Le 11 février 2019 à les États membres de l’Union africaine ont adopté à Addis-Abeba en Éthiopie, le traité portant création de l’Agence africaine du médicament dont la mise en œuvre et l’opérationnalisation augmentera la capacité des États à répondre rapidement aux crises sanitaires actuelles et futures. La concrétisation de cette agence est attendu avec beaucoup d’intérêt, afin de rendre le continent plus autonome sur le plan de l’approvisionnement en médicaments.
La question de l’accès aux médicaments de bonne qualité est une préoccupation majeure pour l’ensemble des pays africains. Et pour cause, l’Afrique représente, à elle seule, un quart de la morbidité mondiale (60% des personnes vivant avec le VIH/SIDA et plus de 90% des cas annuels de paludisme) alors qu’elle ne produit que 3% des médicaments nécessaires pour répondre aux besoins de sa population. Ce faisant, elle importe majoritairement les produits pharmaceutiques de l’extérieur afin de couvrir le déficit en la matière.
Malheureusement, les chaînes d’approvisionnement pharmaceutique comptent de multiples intermédiaires entraînant de ce fait l’augmentation exorbitante des prix des produits importés sur le marché. Ainsi, le continent présente la plus forte prévalence de médicaments de mauvaise qualité (20%), falsifiés et non conformes aux normes, et dont sont victimes beaucoup de patients. Cette situation est essentiellement due à la faiblesse et à l’absence de systèmes de réglementation des médicaments, constitués de cadres juridiques et réglementaires incomplets ou incohérents.
Or, le secteur pharmaceutique en Afrique est en plein essor et offre d’énormes opportunités de création d’emplois. Ainsi, le secteur de la santé et du bien-être en Afrique représentera environ 259 milliards de dollars en 2030, avec la possibilité de création de plus de 16 millions d’emplois. Aussi, une analyse récente montre que le coût de la plupart des médicaments produits sur le continent, notamment en Éthiopie et au Nigeria, est généralement inférieur de 5 à 15% au prix des produits importés.
L’avènement de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) constitue à cet égard un important atout qui favorisera la création d’un véritable marché africain du médicament et permettra de réaliser des économies d’échelle pour une production continentale répondant aux besoins de plus en plus croissants des populations avec une accentuation consécutive à la crise sanitaire liée à la pandémie de la Covid-19.
De ce fait et dans la perspective de doter la continent d’un cadre réglementaire efficace et efficiente afin d’accroître la résilience des systèmes de santé et de mieux de préparer aux crises futures, les États membres ont lancé la création de cette agence. Ce traité a pour objectif de faciliter une réaction coordonnée à l’échelle continentale face aux crises sanitaires, de surveiller et d’atténuer le risque de pénurie de médicaments et de dispositifs médicaux critiques, de proposer des conseils scientifiques sur les médicaments susceptibles de prévenir, diagnostiquer ou traiter les maladies à l’origine de ces crises.
Il facilitera également la coordination des essais cliniques, y compris des vaccins. “L’essence même de l’Agence africaine des médicaments est de favoriser des achats groupés, assurer la qualité produits. Dans le cadre de la Covid-19, l’on a vu qu’à travers l’initiative Avax, les chefs d’État nous ont permis d’avoir des médicaments efficace à coût abordable. Il est clair que les entités régionales existantes viendront à un moment se fondre dans ce creuset continental”, affirme le professeur Moustafa Mijiyawa, ministre togolais de la Santé, de l’Hygiène publique et de l’Accès universel aux soins.
“En voulant évoluer seuls, les pays auront des médicaments qui leur reviendront très chers”, a-t-il indiqué lors de la ratification de ce traité par l’Assemblée nationale togolaise, le lundi 8 mai 2023.
Serge Lenoir