Le 14e rapport annuel Banking on climate chaos publié cette année 2023, qui constitue l’analyse mondiale la plus complète sur les activités bancaires liées aux énergies fossiles, révèle la vérité sur les engagements des banques en faveur du climat en examinant leur financement de l’industrie des énergies fossiles.
Pour la première fois depuis 2019, une banque canadienne est le premier financeur annuel des énergies fossiles, et non plus la banque américaine JP Morgan Chase. La Banque Royale du Canada (RBC) a versé 42,1 milliards de dollars US à des projets fossiles en 2022, dont 4,8 milliards de dollars pour les sables bitumineux et 7,4 milliards de dollars pour la fracturation hydraulique. Les banques canadiennes sont en train de devenir des banques de dernier recours pour les énergies fossiles, ayant fourni 862 milliards de dollars aux entreprises fossiles depuis l’Accord de Paris. Par ailleurs, RBC continue de financer des projets d’expansion tels que le gazoduc Coastal GasLink, qui transporte du gaz de schiste. Ce projet viole les droits humains et la souveraineté autochtone, et a été mis en œuvre sans le consentement des chefs traditionnels Wet’suwet’en.
Le rapport montre que, dans l’ensemble, les banques américaines dominent le financement des énergies fossiles, étant derrière avec 28 % de ces financements en 2022. JPMorgan Chase reste le pire financeur du chaos climatique depuis l’Accord de Paris. Citi, Wells Fargo et Bank of America figurent toujours dans le top 5 des financeurs des énergies fossiles depuis 2016. Au cours des sept années qui ont suivi l’adoption de l’Accord de Paris, les 60 plus grandes banques privées du monde ont financé les énergies fossiles à hauteur de 5 500 milliards de dollars. Le rapport témoigne de cette réalité inquiétante : même si les entreprises fossiles ont réalisé 4 000 milliards de dollars de bénéfices en 2022, les banques ont tout de même fourni 673 milliards de dollars de financement. Fait notable, cela s’est produit alors que les grandes compagnies pétrolières comme Exxon Mobil et Shell PLC n’ont sollicité aucun financement auprès des banques en 2022.
Alors que les Européens et les Ukrainiens ont appelé à une transition vers les énergies renouvelables pour arrêter de financer les atrocités russes, les entreprises fossiles ont doublé leur expansion et affaibli leurs engagements en matière de climat. Les 30 principales entreprises qui développent du Gaz Naturel Liquéfié (GNL) ont profité de la crise pour obtenir près de 50 % de financements supplémentaires en 2022 par rapport à 2021 auprès des banques mentionnées dans le rapport. Et ce, alors même que la plupart des experts en énergie s’accordent à dire que les plans d’expansion du GNL en Europe sont inutiles et que de nouveaux projets contribueraient à une surabondance de l’offre et à une dépendance à long terme. Le rapport comprend des cartes détaillées de cette explosion de projets d’expansion sur la côte américaine du Golfe du Mexique et aux Philippines. Il présente également des études de cas de leaders climatiques au Myanmar et aux Philippines qui résistent aux effets dévastateurs de l’expansion fossile.
D’après le rapport, les engagements des banques mondiales en faveur du “Net Zero” n’ont rien donné jusqu’à présent. 49 des 60 banques couvertes par le rapport ont pris des engagements en ce sens, mais pour la plupart, ces engagements ne sont pas associés à des politiques rigoureuses excluant le financement de l’expansion fossile. Les politiques contiennent de nombreuses lacunes qui permettent aux banques de continuer à financer des entreprises actives dans l’industrie des énergies fossiles. Les banques qui imposent des restrictions au financement de projets dans l’Arctique, par exemple, ont néanmoins financé ConocoPhillips, qui développe le projet Willow dans l’Arctique, le plus grand projet pétrolier proposé aux États-Unis.
Comme l’a affirmé le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dans son rapport de mars 2023, pour donner à l’humanité une chance d’éviter des dommages inacceptables à des millions de personnes vivant aujourd’hui et à d’innombrables générations à venir, l’expansion fossile doit cesser et l’utilisation des énergies fossiles dans tous les secteurs doit diminuer fortement. Le GIEC affirme que la fenêtre d’opportunité pour rester en dessous de 1,5˚C et pour construire un avenir sûr, vivable et durable se referme rapidement. Le Banking on climate chaos a été rédigé par Rainforest Action Network, BankTrack, Indigenous Environmental Network, Oil Change International, Reclaim Finance, Sierra Club et Urgewald. Plus de 550 organisations de plus de 70 pays du monde entier soutiennent le rapport et demandent aux banques de cesser de financer la destruction du climat.
Tendances du secteur des énergies fossiles
Expansion : Les 60 banques étudiées dans ce rapport ont injecté 150 milliards de dollars en 2022 dans les 100 premières entreprises qui développent les énergies fossiles, notamment TC Energy, TotalEnergies, Venture Global, ConocoPhillips et Saudi Aramco.
Gaz naturel liquéfié (GNL) : Les principaux banquiers du Gaz naturel liquéfié (GNL) en 2022 étaient Morgan Stanley, JPMorgan Chase, Mizuho, ING, Citi et SMBC Group. Le financement global du GNL a augmenté de près de 50 %, passant de 15,2 milliards de dollars en 2021 à 22,7 milliards de dollars en 2022.
Sables bitumineux : Les principales entreprises exploitant les sables bitumineux ont reçu 21,0 milliards de dollars de financement en 2022, avec en tête les plus grandes banques canadiennes, qui ont fourni 89 % de ces fonds. TD, RBC et la Banque de Montréal sont en tête de liste.
Pétrole et gaz en Arctique : Les banques chinoises ICBC, Agricultural Bank of China et China Construction Bank sont les principaux financeurs de l’exploitation du pétrole et du gaz en Arctique, avec au total 2,9 milliards de dollars pour les principales entreprises de ce secteur en 2022. 26 banques financent encore l’exploitation du pétrole et du gaz en Arctique, dont les banques américaines JPMorgan Chase, Citi et Bank of America.
Pétrole et gaz en Amazonie : La banque espagnole Santander est en tête des financements accordés aux entreprises qui exploitent le biome amazonien, suivie de près par la banque américaine Citi. Les financements se sont élevés à 769 millions de dollars en 2022.
Pétrole et gaz issus de la fracturation hydraulique : Le financement des entreprises actives dans la fracturation hydraulique a totalisé 67,0 milliards de dollars en 2022, ce qui représente une augmentation de 8 % par rapport au financement déclaré en 2021 pour les principales entreprises de fracturation. Cette augmentation est d’autant plus inquiétante que les émissions de méthane liées à la fracturation sont très importantes. RBC et JPMorgan Chase sont les principaux financiers du pétrole et du gaz issus de la fracturation hydraulique (pétrole et gaz de schiste, pétrole et gaz de réservoir compact) en 2022 et depuis l’Accord de Paris.
Pétrole et gaz offshore : Les banques européennes BNP Paribas et Crédit Agricole, ainsi que la banque japonaise SMBC Group sont en tête de liste des pires financeurs du pétrole et du gaz offshore pour 2022. Les financements s’élèvent à 34 milliards de dollars en 2022.
Extraction du charbon : Sur les 13 milliards de dollars de financement accordés aux 30 plus grandes sociétés d’extraction de charbon au monde, 87 % ont été fournis par des banques situées en Chine, au premier rang desquelles China CITIC Bank, China Everbright Bank et Industrial Bank.
Centrales à charbon : 97 % des financements accordés aux 30 premières entreprises mondiales opérant dans des centrales à charbon ont été fournis par des banques chinoises. Ces entreprises, qui prévoient d’augmenter leur capacité de production d’électricité à partir du charbon, ont reçu 29,5 milliards de dollars de la part des banques couvertes par le rapport en 2022.
L’ensemble des données, y compris les données sur le financement fossile, les résultats de l’évaluation des politiques et les récits des activistes locaux, peut être téléchargé sur le site bankingonclimatechaos.org.