Le colonel Mamdy Doumbouya, président de la transition, chef de l’État de la Guinée a fait il y a quelques heures, un discours des plus remarqués à la tribune de la 78è Session de l’Assemblée générale des Nations unies. Ses propos reflètent la mentalité qui prévaut aujourd’hui sur le continent africain.
Le dirigeant guinéen explique au prime abord celui qu’on peut selon lui considérer comme un putschiste. « Le putschiste n’est pas seulement celui qui prend les armes pour renverser un régime. Je souhaite que l’on retienne bien que les vrais putschistes, les plus nombreux, qui ne font l’objet d’aucune condamnation, c’est aussi ceux qui manigancent, qui utilisent la fourberie, qui trichent pour manipuler les textes de la constitution afin de se maintenir éternellement au pouvoir. C’est ceux en col blanc qui modifient les règles du jeu pendant la partie pour conserver les rênes du pays », a-t-il déclaré.
Selon lui, la mauvaise répartition des richesses crée des inégalités sans fin, la famine, la misère qui rendent le quotidien des populations de plus en plus difficiles. Et d’après lui, ces inégalités font partie des causes des événements qui mettent en péril le vivre-ensemble. « Quand les richesses d’un pays sont dans les mains d’une élite alors que des nouveau-nés meurent dans des hôpitaux par manque de couveuse, il n’est pas surprenant que dans de telles conditions nous assistions à des transitions pour répondre aux aspirations profondes du peuple », se défend-t-il.
Pour le colonel Doumbouya, l’Afrique souffre d’un modèle de gouvernance qui lui est imposé de l’extérieur. Ce modèle est selon lui « bon et efficace pour l’occident qui l’a conçu au fil de son histoire ». Malheureusement, cela a du mal à s’adapter aux réalités, coutumes et environnement africains. « Hélas, la greffe n’a pas pris… », constate-t-il. « Croyez-moi. C’est un bilan. Un constat sur plusieurs décennies d’expérimentation chaotique de ce modèle dans notre environnement. Une période où il n’a été question que de joutes politiques. Au détriment de l’essentiel. L’économie », a martelé le colonel Mamady Doumbouya.
Le président guinéen témoigne du fait que ce modèle de gouvernance a surtout contribué à entretenir un système d’exploitation et de pillage des ressources de pays africains, et une corruption très active des élites. Le colonel Doumbouya exprime le sentiment légitime de tous les peuples d’Afrique qui sont fatigués de se voir classés sous l’influence de telle ou telle autre puissance.
« La population de l’Afrique est jeune. Elle n’a pas connu la guerre froide. Elle n’a pas connu les guerres idéologiques qui ont façonné le monde des 70 dernières années. C’est pourquoi nous trouvons insultant les cases, les classements qui tantôt nous placent sous l’influence des Américains, tantôt sous celle des Anglais, des Français, des Chinois, des Russes et même des Turcs », a poursuivi le dirigeant guinéen.
« Nous ne sommes ni pros ni anti Américains, ni pro ni anti Chinois, ni pro ni anti Français, ni pro ni anti-Russes, ni pro ni anti Turcs. Nous sommes tout simplement pro Africains. C’est tout. Nous mettre sous la coupe de telle ou telle puissance est une insulte, du mépris, du racisme vis-à-vis d’un continent de plus d’un milliard trois cent millions de personnes », a martelé le colonel Mamady Doumbouya.
Le président de la transition guinéenne a tenu à clairement faire savoir à ses auditeurs, notamment, ceux qui sont habitués aux ingérences extérieures, que les peuples africains sont plus que jamais éveillés et décident de prendre leur destin en main. « Nous sommes suffisamment matures pour définir nos priorités, pour concevoir notre propre modèle qui corresponde à notre identité, à la réalité de nos populations, à ce que nous sommes tout simplement », a-t-il fait savoir.
Serge Lenoir