Les réformes du F CFA entamées il y a quelques années par les chefs d’État et de gouvernement des pays qui ont en partage cette monnaie avait suscité beaucoup d’intérêt de la part des Africains. L’annonce de la révision des accords monétaire entre ces pays et l’ancien pays colonisateur qu’est la France avait encore plus donné un certain espoir aux fils et filles de ce continent.
Mais, la réforme du F CFA visant à créer une nouvelle monnaie tarde à se concrétiser. De report en report, beaucoup n’y croient tout simplement plus. Le professeur Kako Nubukpo, économiste togolais, actuel Commissaire en charge de l’agriculture, de l’environnement et des ressources en eau de la l’Union économique et monétaire Ouest africaine (Uemoa), partisan de la création d’une nouvelle monnaie, croit connaitre les raisons qui explique ce blocage.
Selon lui, il y a deux approches : celle portée par le l’Uemoa, qui dit que la monnaie est neutre, qu’elle n’a pas d’impact sur l’activité et prône une gestion monétariste. « Le seul objectif de cette politique est la lutte contre l’inflation », fait-il observer. « Et puis, il y a la tradition des pays anglophones comme le Ghana et le Nigeria, qui se laissent la possibilité d’utiliser la planche à billets pour activer l’économie. Il n’y a donc pas de convergence autour de ce que pourrait être une monnaie de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Et on ne pose pas la question de fond : que veut-on faire en termes de solidarité entre les États de la zone ? », a-t-il ajouté.
Selon le professeur Nubukpo, le déclic pourrait venir de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cema). « Même si la Cemac a toujours été considérée comme le mauvais élève de la zone franc, l’homogénéité de son dispositif de gestion monétaire peut lui permettre d’aller plus vite. Par ailleurs, comme les États d’Afrique centrale sont exportateurs nets de pétrole, c’est plus facile d’envisager une politique monétaire qui fasse sens pour tous », affirme l’économiste.
Kako Nubukpo ne veut surtout pas tomber dans le piège des radicaux. « J’ai toujours pensé que c’est à nous, Africains, de construire une monnaie qui soit au service de la transformation de nos économies. Les pays Ouest africains auront à travailler avec tous les partenaires : la France, les États-Unis, la Chine, la Russie etc… Il préconise de déclarer l’Eco comme « monnaie commune » et non comme « monnaie unique ». « Créer l’Eco dès aujourd’hui va engendrer une convergence des esprits. Et reporter chaque fois sa mise en place fait perdre de la crédibilité aux annonces », pense le professeur Nubukpo.
Le Papyrus (source : Jeune Afrique)