Parmi les plus grands défis du 21è siècle, l’on cite souvent les crises environnementales et le terrorisme. Mais qui aurait pu croire que les problèmes environnementaux, notamment les difficultés d’accès aux ressources naturelles seraient responsables de l’extrémisme violent et du terrorisme ? Les Groupes extrémistes violents (GEV) ne se gênent pas pour faire de ces défis de nouveaux terreaux fertiles. Pour eux, cela constitue une opportunité, et les gouvernements d’Afrique doivent agir efficacement et rapidement afin de les empêcher d’en jouir.
« La montée de l’extrémisme violent en Afrique subsaharienne remet en cause les gains en développement durement acquis et menace de freiner les progrès pour les générations à venir. Il est plus que jamais urgent de comprendre les causes en Afrique et les actions à prendre pour la prévenir ». Ce texte qui interpelle se trouve à la page 5 du résumé analytique du rapport, ‘’Sur les chemins de l’extrémisme violent en Afrique : les voies de recrutement et de désengagement’’, produit par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud).
En 2021, près de la moitié de tous les décès liés au terrorisme se sont produits en Afrique subsaharienne, dont plus d’un tiers dans quatre pays à savoir : la Somalie, le Burkina Faso, le Niger et le Mali. L’extrémisme violent s’est également propagé à d’autres parties du continent, comme le Mozambique, et a un impact dévastateur sur les vies, les moyens de subsistance, ainsi que les perspectives de paix et de développement. Les pays côtiers comme le Togo commencent malheureusement aussi par expérimenter ses conséquences.
La violence liée à ces groupes au Sahel a presque doublé en 2021 (passant de 1 180 à 2005 événements), ce qui met en évidence l’escalade rapide de la menace sécuritaire dans cette région. Cette augmentation de 70% d’une année sur l’autre poursuit une escalade continue de la violence qui a commencé en 2015. Bien que la violence ait commencé au Mali, elle s’est largement répandue au Burkina Faso, avec 58 % de tous les événements de ce type enregistrés au Sahel.
La violence perpétrée par des GEV se réclamant de ces idéologies a diminué dans le bassin du lac Tchad et au Mozambique en 2021, alors qu’à travers l’Afrique, le nombre de décès a diminué de 7 %, mais a tout de même dépassé 12 000 décès. Les batailles avec les forces de sécurité et les groupes armés non étatiques ont représenté 52 % des incidents en 2021, un changement particulièrement marqué en Somalie. Il est plus que jamais urgent de comprendre les causes en Afrique et les actions à prendre pour la prévenir.
Les GEV opèrent dans les « écosystèmes conflictuels » complexes et changeants ; leurs progrès doivent être considérés dans le contexte des relations entre les populations et leurs écosystèmes ainsi qu’entre les élites politiques concurrentes ; ils semblent évoluer à partir de petites bandes pour devenir des concurrents proto-étatiques pour acquérir l’allégeance des communautés ; et ces groupes sont à la fois mondiaux et locaux, idéologiques et économiques.
Dégradation de l’environnement et gestion inéquitable des terres font désormais partie de la ruse
Parmi les griefs les plus courants dont se nourrissent les GEV, il y a les griefs concernant la gestion injuste des terres, qui est inextricablement liée à l’accès aux ressources en eau, et la dégradation des terres qui en résulte (exacerbée par le changement climatique). Les événements météorologiques extrêmes dont la sécheresse et les inondations détruisent les moyens de subsistance, et rendent les facteurs de production non productifs.
La rareté des ressources indispensables comme l’eau augmente la précarité des populations et est source de conflits. Et lorsque le foncier s’en mêle, et que les populations ont l’impression d’avoir été abandonné par les gouvernants, les conditions ne peuvent qu’être rempli pour que les GEV les récupèrent pour en faire des instruments au service de leurs causes.
Les GEV profitent de la dégradation de l’environnement et de la gestion inéquitable des terres pour se positionner comme justiciers, régulateurs de l’accès aux ressources naturelles et fournisseurs de services judiciaires et administratifs, ainsi que comme substituts des moyens de subsistance. Bien qu’ils n’aient pas encore fait du changement climatique un message majeur, ils pourraient facilement élaborer un récit global le présentant comme la forme ultime de violence structurelle imposée par les pays développés au reste du monde.
« J’ai rejoint le groupe parce que je me sentais frustré par mes conditions de vie quotidienne, par la vie que je menais. J’étais très pauvre et vulnérable, et j’avais une famille à ma charge. Je pensais qu’au sein du groupe, j’aurais un meilleur statut en tant qu’érudit, que je serais en meilleure posture et que, dans le pire des cas, je mourrais en martyr », témoigne Mustapha, âgé de 39 ans et originaire du Niger. Beaucoup ont été déçu et ont décidé de se désengager de ces groupes de vendeurs d’illusions. « On nous avait prêché la justice et l’équité. Mais, ce n’était pas la réalité des choses dans la brousse », fait remarquer Sadiq, âgé de 24 ans et originaire du Cameroun.
Des recommandations sont faites par les experts afin que les Etats ne laissent pas les problèmes environnementaux dont le changement climatique devenir un terreau fertile pour les GEV. Premièrement, l’analyse des conflits devrait inclure non seulement la dynamique politique entre les diverses identités, moyens de subsistance, groupes politiques et mobilisateurs violents, mais aussi la relation entre les populations humaines et les écosystèmes dans lesquels elles vivent.
Il faut permettre aux dialogues nationaux de créer un espace pour des conversations locales inclusives sur « l’histoire du lieu » afin d’explorer l’importance économique, écologique, culturelle et sociale des localités, en rassemblant les générations et en donnant aux genres et aux autres identités la possibilité de s’engager. Cela devrait permettre d’explorer des opportunités de restauration des terres qui rétablissent également le tissu social et réduisent l’attractivité des GEV en tant que solutions évidentes aux griefs à court terme.
« L’extrémisme violent ne se limite pas à un pays ou à une région spécifique, mais constitue plutôt un défi partagé auquel l’humanité dans son ensemble doit réagir. Les histoires humaines mises en lumière dans ‘’Sur les chemins de l’extrémisme en Afrique : les voies de recrutement et de désengagement’’, fournissent une base d’évidences qui montre clairement la nécessité d’une attention internationale plus accrue, des solutions intégrées et des investissements à long terme afin de lutter contre les causes sous-jacentes de l’extrémisme violent. », note Achim Steiner, administrateur du Pnud.
Edem Dadzie