Au Nigeria, les Organisations de la société civile (OSC) ont fermement condamné la tentative du gouvernement fédéral d’importer des déchets non dangereux de l’Union européenne (UE), avertissant qu’une telle décision pourrait aggraver la crise de gestion des déchets du pays.
Dans une déclaration commune, des groupes environnementaux nigérians, dont des membres de l’Alliance mondiale pour les alternatives aux incinérateurs (GAIA) Nigeria, de la Community development advocacy foundation (CODAF), de l’Environmental defenders network (EDEN), de Zero waste ambassadors (ZeWA) et de Renevlyn development initiative (RDI), ont dénoncé l’implication du gouvernement dans ce qu’ils ont appelé le « colonialisme des déchets ».
Une crise de gestion des déchets
Les OSC ont souligné les graves difficultés du Nigeria en matière de gestion des déchets, soulignant que le pays produit plus de 32 millions de tonnes de déchets par an. La ville de Lagos à elle seule en produit environ 13 000 tonnes par jour, mais une part importante n’est pas collectée et finit dans des décharges à ciel ouvert, des égouts ou est incinérée. Cette mauvaise gestion des déchets entraîne selon ces OSC, de graves risques pour l’environnement et la santé publique.
« Le secteur informel des déchets joue un rôle crucial dans la collecte et le recyclage des déchets, mais il fonctionne avec peu de reconnaissance et de soutien. Le manque d’investissements dans une gestion écologiquement rationnelle des déchets, dans des installations de recyclage et, surtout, dans la réduction de la production de plastique en amont, aggrave encore la situation, laissant le Nigeria seul responsable », ont déclaré les OSC.
Le Dr Leslie Adogame, s’exprimant au nom des membres de GAIA Nigeria, a souligné les conséquences dévastatrices d’une mauvaise gestion des déchets. « Les plastiques obstruent les cours d’eau, provoquant de graves inondations urbaines, tandis que la combustion à l’air libre des déchets libère des produits chimiques toxiques, responsables de maladies respiratoires. De plus, les décharges contaminent les sols et les eaux souterraines, ce qui représente des risques à long terme pour la sécurité alimentaire et la santé publique », a-t-il déclaré.
Il a également souligné les conditions de travail désastreuses des récupérateurs informels de déchets, qui gèrent une grande partie du recyclage du pays sans équipement de protection, les exposant ainsi à des blessures et à des maladies. « L’élimination incontrôlée des déchets menace également la biodiversité, car les plastiques et autres polluants nuisent aux écosystèmes marins et terrestres », a-t-il ajouté. Comme si cela ne suffisait pas, le Nigeria ne dispose à ce jour d’aucune décharge contrôlée pour gérer ses déchets terrestres en constante augmentation.
Conformément aux obligations liées à la demande d’importation de déchets en provenance de l’UE, les pays non membres de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) doivent démontrer leur capacité à gérer les déchets qu’ils souhaitent importer de l’UE de manière écologiquement rationnelle, dans des conditions équivalentes à celles en vigueur dans l’UE.
Pourquoi l’importation de déchets est une démarche dangereuse ?
Faith Paulinus, coordinatrice des Ambassadeurs zéro déchet et responsable des réformes de gouvernance et de la lutte contre la corruption chez Policy Alert, a remis en question la logique derrière la demande du Nigeria d’importer des déchets de l’UE, alors que le pays est confronté à une application laxiste des politiques de gestion des déchets, à des infrastructures de recyclage limitées et à une faible sensibilisation du public aux pratiques durables en matière de gestion des déchets.
« Le gouvernement est confronté à un financement insuffisant des programmes de gestion des déchets, ce qui laisse le Nigeria dépendant de méthodes d’élimination informelles et souvent dangereuses », a-t-il noté.
Faisant écho à ces inquiétudes, le directeur exécutif d’EDEN, Chima Williams, a averti que les systèmes nigérians de gestion des déchets étaient déjà débordés. « Des importations supplémentaires pourraient surcharger les décharges, aggraver la pollution et mettre à rude épreuve nos infrastructures de recyclage déjà insuffisantes. Cet afflux pourrait également décourager les efforts de réduction des déchets domestiques, comme la récente interdiction du plastique à usage unique, et fragiliser les industries locales de recyclage », a-t-il averti.
Il a ajouté qu’une application insuffisante de la réglementation sur les déchets accroît le risque de mauvaise gestion, entraînant de nouvelles crises environnementales et sanitaires. « Cette décision contredit l’engagement du Nigeria en faveur d’une gestion durable des déchets et pourrait transformer le pays en dépotoir pour les déchets européens », dit le responsable.
Appel à l’action
Le directeur exécutif de la CODAF, Richard Benin, a rappelé au gouvernement que la décision du Nigeria d’augmenter ses Contributions déterminées au niveau national (CDN) de 43% à 45% était en partie due à ses engagements dans le secteur de la gestion des déchets. « Le Nigeria doit interdire les importations de déchets et se concentrer sur la gestion des déchets locaux plutôt que de devenir un dépotoir pour les déchets étrangers », a-t-il fait observer.
« Le gouvernement devrait avant tout s’engager à atteindre un objectif mondial de réduction de la production de plastique dans le cadre du Traité mondial sur les plastiques, investir dans des infrastructures de recyclage respectueuses de l’environnement, renforcer les politiques de réduction des déchets, soutenir les récupérateurs informels de déchets, mettre en œuvre la Responsabilité élargie des producteurs (REP) et promouvoir des campagnes de sensibilisation du public à la gestion et au recyclage des déchets », a-t-il martelé.
Les OSC ont appelé le gouvernement à rejeter d’urgence l’importation de déchets et à privilégier des stratégies de gestion durable des déchets qui autonomisent les communautés locales et préservent la santé publique. Ceci est particulièrement crucial dans le contexte de l’interdiction prochaine de l’exportation de déchets plastiques vers les pays non membres de l’OCDE par l’UE, disposition qui entrera en vigueur le 21 novembre 2026. Autoriser de telles importations constituerait un parjure.
Plus de 27 ans plus tard, il est grand temps que le Nigeria ratifie et mette pleinement en œuvre la Convention de Bamako sur l’interdiction d’importer en Afrique et le contrôle des mouvements transfrontières et la gestion des déchets dangereux, non seulement pour la santé de l’environnement, mais aussi pour celle de sa population.
Edem Dadzie
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