Pollution plastique : Difficile conciliation entre le recyclage et les autres solutions ?

La pollution plastique continue de faire la pluie et le beau temps. La production, la commercialisation et l’utilisation des emballages plastiques non-biodégradables demeurent au cœur de l’économie mondiale. Certains pays africains comme le Rwanda ont réussi le pari de réduire, voire de faire disparaître ces objets de leurs paysages. D’autres comme le Togo, malgré la prise de décisions saluées par tous, peinent depuis des années à les faire appliquer. Que faire ?

Deux solutions sont pour le moment envisageables. Le recyclage et le recours aux emballages biodégradables. Toutefois, les environnementalistes ne sont pas d’accord sur la ou les solutions à adopter pour mettre fin à ce fléau qui est malheureusement devenu la marque du continent africain, avec des risques pour les océans.

L’on continue de déverser des tonnes de déchets notamment plastiques dans les océans ; et le risque que d’ici 2050 il y ait plus de plastiques que de poissons dans les océans est encore très important. Beaucoup d’environnementalistes pensent que le recyclage est la solution toute trouvée. On les voit d’ailleurs s’activer pour créer des sites de recyclage et on les entend dire, avec des démonstrations à l’appui, que les déchets constituent de l’or, de « l’or dur ». Parmi ces personnes, il y a l’ancienne fonctionnaire onusienne, Ige Olatokunbo, responsable de l’entreprise Utrader, installée dans la préfecture du Zio (Davié) au Togo et qui transforme les déchets (sachets plastiques, pagnes, pneu etc…) en divers objets usuels.

« On ne peut pas éviter l’existence du plastique. Mais, les conditions de production, de distribution, doivent être contrôlées. L’on doit encourager la réutilisation », nous a-t-elle confié lors d’un entretien réalisé durant le mois d’avril 2022. Enrique Paccini, économiste, semble être du même avis. « On ne pourra vraiment jamais complètement quitter le plastique », a-t-il lâché à notre endroit lors de l’atelier des journalistes sur l’eau et l’assainissement organisé par l’association Africa 21 à Dakar au Sénégal du 15 au 19 août 2022, dans le cadre des activités du Réseau des journalistes africains spécialisés sur le développement durable et le changement climatique.

Les activistes d’Africa coal network (ACN), un réseau d’organisations de la société civile africaine luttant contre les énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel), pensent qu’il faut impérativement arrêter la production du plastique. Pour eux, le plastique étant produit avec des énergies fossiles dont le pétrole, cela revient à promouvoir ces énergies.  « Les industries du plastique pourront se réadapter dans la production du plastique, notamment réduire l’utilisation des combustibles fossiles comme le pétrole. La réduction de l’utilisation du plastique est la voie à suivre, utiliser le plastique réutilisable, biodégradable », répond Enrique Paccini.

Esther Mwamba, une militante écologiste de la République démocratique du Congo (RDC) est pour sa part catégorique : « le recyclage n’est pas la solution », a-t-elle déclaré. « Le recyclage fait partie de la solution, mais ce n’est pas la meilleure des solutions. Le recyclage est un secteur prometteur. Malheureusement, il constitue un remède à un système économique capitaliste, basé sur la croissance », explique-t-elle.

« Comment tu peux résoudre un problème avec le même schéma qui a conduit à créer ce problème ? Le recyclage apparaît ainsi comme du greenwashing, c’est-à-dire extérieurement, parait comme une solution qui va résoudre le problème, mais intérieurement, le recyclage contribue finalement à augmenter le taux de pollution », a poursuivi Esther Mwamba.

« Aujourd’hui on est dans une optique de trouver des solutions qui vont favoriser le moindre mal. Il est vrai que dans certains pays, le recyclage répond à cela. Mais chez nous en Afrique, c’est quelque chose qu’on doit un peu essayer de contextualiser. Il faut plutôt apporter des solutions qui vont répondre à la problématique de la gestion des déchets. Pour moi, le recyclage vient en dernier. Il faut plutôt aller vers la réduction de la consommation. Pour y parvenir, il faut faire de la conscientisation », a ajouté Esther Mwamba.

Autant dire qu’il est difficile de concilier les positions. Mais, que pense Pélagie Amedetognon, une Togolaise qui fabrique des emballages en papiers et biodégradables ? « Le recyclage, c’est la valorisation de ce qui est considéré comme déchet. Aujourd’hui, nous sommes très dépendants de la technologie, des machines, jusque dans nos cuisines, nos douches, avec les brosses à dents par exemple. Nous jetons chaque jour des choses qui peuvent être réutilisées d’une manière ou d’une autre », affirme Pélagie.

« Le recyclage nous sauve. Cela nous permet de revaloriser les déchets. Toutefois, les emballages biodégradables sont une urgence. Commençons par adopter des comportements civiques. Utiliser les emballages non dégradables n’est pas un comportement citoyen. Les emballages biodégradables nous permettent de protéger l’environnement. Pour moi, il faut concilier les deux solutions », précise la Togolaise.

Le 2 mars 2022, les chefs d’Etat, les ministres de l’Environnement et d’autres représentants de 175 nations ont approuvé à Nairobi au Kenya, lors de l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement (UNEA-5), une résolution historique visant à mettre un terme à la pollution plastique et à élaborer un accord international juridiquement contraignant d’ici 2024.

La résolution porte sur l’ensemble du cycle de vie du plastique, y compris sa production sa conception et son élimination. La solution viendra peut-être de là…

Edem Dadzie