Préservation des ressources naturelles : Randonnée dans le sanctuaire du génie protecteur Baï-Sang !

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Lors d’une journée peu ensoleillée, un groupe de journalistes organisés par le Réseau des journalistes africains spécialisés sur le développement durable et le changement climatique s’est rendu dans le sanctuaire du génie protecteur Baï-Sang ; la réserve naturelle de la Somone pour en inspecter les coins et les recoins. La Somone est une réussite en matière de préservation des ressources naturelles en lien avec la culture et l’économie locales.

La réserve naturelle de la Somone est bâtie sur l’embouchure de la rivière du même nom. Elle se situe dans le département de Mbour dans la région de Thiès. Il s’agit d’une station balnéaire réputée située sur la petite côte du Sénégal, à 77 km au Sud de Dakar. Le nom Somone vient d’une ethnie qui s’appelle Somono Somono, originaire du Mali et qui s’est installée au Sénégal.

Cette ethnie s’était spécialisée dans la pêche et revendait les produits aux autres populations. Sa présence a donné naissance au village de la Somone. Ce bras de mer a un écosystème très varié. Entre-temps, les écosystèmes riches comme la mangrove, les produits halieutiques etc… qui peuplaient cette zone s’étaient dégradés à cause de l’action de l’Homme. Grâce aux actions concertées des populations riveraines et des agents de l’État, un effort important de restauration et de conservation a été réalisé. « Depuis 1999, la réserve naturelle d’intérêt communautaire de la Somone a été créée à la demande des populations à travers la délibération du Conseil rural », a relaté Saliou M’bodj, écogarde dans la réserve naturelle de la Somone.

Saliou M’bodj

Un effort de transmission a été effectué pour faire des jeunes générations, les défenseurs, gardiens, conservateurs, protecteurs etc… de cette richesse naturelle. « Il y a quatre ans, l’on s’est rendu compte que les tortues marines sont en train de revenir, spécialement la tortue verte. Or, cela fait plus de 15 ans que l’on n’avait plus vu autant de tortues marines venir pondre sur nos côtes. Nous avons recensé plus de 1000 bébés tortues que nous avons raccompagnées à la mer », explique Saliou M’bodj.

Selon certaines études, la réserve de la Somone est constituée de 60 espèces de végétaux et de 43 espèces de poissons. Il y a aussi beaucoup d’espèces d’oiseaux.

La mangrove, une authenticité de la réserve de la Somone

Au cœur de la réserve de la Somone se trouve ce qu’on appelle « le sentier écologique ». Il s’agit d’un parcours d’1,5 km qui permet aux visiteurs de se rendre compte de la richesse dont dispose la réserve. On peut constater la présence de la mangrove à perte de vue, un écosystème dont la restauration a été possible grâce aux techniques de régénération naturelle et aux campagnes de reboisement auxquelles les populations sont associées.

La réserve naturelle d’intérêt communautaire de la Somone s’étend sur 4 000 hectares.    « L’authenticité de la Somone, c’est sa mangrove », révèle le lieutenant Chérif Khatab Diop, agent conservateur. La mangrove est un milieu riche en nutriments minéraux et organiques issus d’une matière organique en décomposition particulièrement abondante.

Celle-ci, constituée essentiellement de feuilles de palétuviers, alimente une flore bactérienne et fongique considérable à la base d’une vaste chaîne alimentaire. La mangrove est l’un des milieux les plus riches de la planète.

Écotourisme, ostréiculture et pêche pour créer des emplois verts

Le développement de certaines activités comme l’écotourisme, l’ostréiculture (culture des huîtres) et la pêche permettent de créer des emplois verts et de fixer les populations sur place. En matière de pêche, il y a des règlementations strictes et un repos biologique est annuellement imposé.

« Les pêcheurs ont tendance à ne pas faire une sélection des espèces à capturer. Cela met en danger la survie de plusieurs d’entre elles. Nous sommes obligés de faire des sorties régulières pour constater le niveau de fréquentation de la réserve », déclare le lieutenant Diop. L’écotourisme s’est également développé autour de la lagune de la Somone.

La Somone n’est pas loin de Saly, le site qualifié du « Saint-Tropez » sénégalais. Pendant la saison touristique, on y voit plus d’Occidentaux que de Sénégalais. A un moment donné, Saly a connu le phénomène de l’érosion, sans doute dû à la construction d’hôtels et d’autres actions. Cela fait que là-bas, il n’y a pratiquement plus de paysages naturels à voir. Désormais, les touristes se sont tournés vers la Somone.

« C’est pour cela que lorsque la réserve a été créée en 1999, on a instauré un règlement intérieur. C’est un moyen de régulariser les visites. Il fallait réfléchir à un moyen d’aider les populations qui ont participé à la restauration de ce site, d’en profiter. En 2007, un système de tarification a été mis en place. A partir de ce moment, toutes les activités que les visiteurs viennent faire autour de la lagune sont payantes. Les permis d’accès évoluent de 500 F CFA à 100 000 F CFA selon le type d’activité à faire. Le but premier étant de conserver les écosystèmes, il faut que l’activité soit compatible avec les objectifs de conservation », explique l’écogarde Saliou M’bodj.

Un Comité de gestion est mis en place pour faire le bilan des activités chaque deux mois, faire des évaluations et prévoir d’autres. Les membres de ce comité sont les représentants des jeunes, le représentant du chef du village originaire, les écogardes, les piroguiers, les restaurateurs, l’association des riverains de la Somone, le syndicat du loisir et du tourisme, les agents techniques de l’État.

En ce qui concerne l’argent qui est collecté, il y a une répartition qui en est faite. Il y a 20% des ressources qui sont destinées aux femmes appartenant aux communautés riveraines pour la mise en place des activités génératrices de revenu. 20% de ces revenus permettent de motiver les 12 écogardes qui travaillent sur le terrain, tandis que 40% des revenus servent à faire des activités d’aménagement et d’entretien de la lagune.

5% des ressources vont à la commune de la Somone, 5% pour la commune de Sindja. Les 10% restants servent à accompagner les agents techniques de l’État. L’ostréiculture est essentiellement pratiquée par les femmes autour de la lagune. « Voici les huîtres que nous récupérons au sein de la mangrove. Nous les cueillons avec des couteaux parce qu’elles sont collées à la racine de la mangrove. Parfois aussi, nous les achetons auprès des plongeurs qui vont les chercher au fond de la mer, ou les pêcheurs qui les capturent avec leurs filets », nous a confié l’une d’entre elles.

L’autorité de l’État s’applique à travers les agents conservateurs

Les écogardes qui sont plus des volontaires issus de la communauté sont soutenus par les agents conservateurs envoyés par l’État à travers la Direction des aires marines communautaires protégées logées au ministère de l’Environnement. Les écogardes servent de jonction entre les agents conservateurs, des corps habillés, et les populations. « Les civils entre eux ne peuvent pas régler le problème. Il va falloir prendre des initiatives pour leur faire comprendre qu’il y a une autorité qui est là et que ce dernier est chargé de faire la coordination et de réglementer les activités », affirme le lieutenant Chérif Khatab Diop. Il y a des velléités tendant à marchander les terres de la réserve naturelle. Cela fait que les populations ont un peu perdu leur emprise sur ce patrimoine.

« Nous sommes donc là pour faire comprendre qu’une réserve est une zone qui doit être protégée et sauvegardée. Les activités humaines qui réduisent considérablement l’étendue de la réserve doivent prendre fin. Nous faisons un travail très difficile, mais nous bénéficions de l’appui de l’État », a poursuivi le lieutenant Chérif Khatab Diop.

Baï-Sang veille sur la réserve naturelle de la Somone

Selon la culture locale, la réserve naturelle de la Somone est protégée par un génie du nom de Baï-Sang. Cela signifie « Père Jean » en français. Ce génie protecteur se situe quelque part au milieu de la lagune, sur une terre ferme. Il est représenté par un baobab nain et est entouré de coquillages.

Baï-Sang

« Il y a une famille au niveau de la Somone qui se charge de lui faire des offrandes. Quand le génie manifeste sa colère, il y a une personne de cette famille qui est possédée par l’esprit de Baï-Sang. Et la personne se met à parler le français comme un blanc. Or ce sont souvent des gens qui n’ont jamais fréquenté l’école et n’ont jamais appris le français. Par ailleurs, ils font les mêmes pratiques que les blancs pendant qu’ils sont possédés : Ils mangent avec des couverts, fument la cigarette, et boivent de l’alcool alors qu’en temps normal, ils ne le font pas. Quand une telle situation se produit, ils se disent qu’il est temps de venir faire des offrandes au niveau de la lagune. D’autres personnes viennent aussi ici faire diverses offrandes. Et selon plusieurs témoignages, lorsque l’on fait des vœux auprès de Baï-Sang, ils se réalisent », a raconté M’bodj l’écogarde.

Edem Dadzie

2 commentaires sur « Préservation des ressources naturelles : Randonnée dans le sanctuaire du génie protecteur Baï-Sang ! »

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