Alors que le monde s’efforce de parvenir au développement durable, une question urgente se pose : devrions-nous repenser les critères/mesures du bien-être humain ? C’est ce que pense la directrice de la division du genre, de la lutte contre la pauvreté et des politiques sociales, à la Commission économique pour l’Afrique (CEA), Sweta Saxena. Elle appelle les pays africains à dépasser le Produit intérieur brut (PIB) comme référence en matière de mesure du bien-être.
Le PIB mesure en termes monétaires la valeur des biens et services qu’un pays produit sur une période donnée en capturant le niveau de production économique. Il ne mesure pas la qualité de vie, le bien-être social, les inégalités et les différences en matière d’expérience humaine. Par exemple, le PIB d’un pays peut augmenter, mais la santé ou la qualité de l’environnement de ses citoyens peuvent se dégrader.
Prenant la parole lors d’un évènement parallèle sur le thème, « Au-delà de la croissance du PIB : la qualité de vie compte », au cours de la neuvième Commission africaine de statistique, madame Saxena a déclaré que lorsque l’on pense à la qualité de vie, le PIB ne vient pas à l’esprit comme la mesure la plus appropriée.
« Nous devons aller au-delà du PIB pour saisir les aspects de nos vies qui sont les plus importants et les facteurs qui comptent le plus pour la qualité de vie de 1,4 milliard de personnes vivant en Afrique », a affirmé Saxena, soulignant que le véritable sens de la qualité de la vie doit être compris.
Dans le but de promouvoir une refonte de la mesure du bien-être humain, le Programme des Nations unies pour les établissements humains (Onu-Habitat) a lancé un projet ambitieux connu sous le nom d’Initiative pour la qualité de vie (QoL), axé sur ce qui est essentiel pour les gens et a de la valeur pour leur vie.
La CEA fait partie de l’Initiative QoL, qui vise à développer un concept global et centré sur l’humain et la qualité de vie, incluant des facteurs objectifs et subjectifs, et à le promouvoir comme objectif principal de développement urbain.
Le bien-être humain a été identifié comme l’un des principaux changements transformateurs nécessaires pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies. La qualité de vie y contribuera en aidant les gouvernements infranationaux des zones urbaines à progresser vers une vie prospère et épanouissante pour les individus et les communautés.
L’Initiative « Qualité de vie » aide les autorités locales et les décideurs à comprendre comment leurs investissements et priorités politiques actuelles améliorent le bien-être et la qualité de vie des individus et des communautés qu’ils servent et comment apporter des améliorations tangibles et à long terme à la vie des populations urbaines.
Afin de mieux internaliser ces questions, la CEA a lancé une enquête expérimentale axée sur les critères pris en compte par le personnel de la CEA comme étant la qualité de vie. L’enquête a révélé que les identités liées au sexe, à l’âge, à la race, à la nationalité, à l’éducation et à l’origine sont pâles par rapport à l’identité humaine.
« Nous avons tous les mêmes besoins fondamentaux et oui, les besoins sont peu nombreux et les désirs sont illimités », a indiqué Saxena, ajoutant que « l’aspect le plus humain qui ressort de notre enquête est qu’il nous en faut peu pour avoir une bonne vie. Une grande partie de ce qui est comptabilisé dans le PIB n’a pas d’importance pour nous, les humains, à plus grande échelle ».
Le Chargé des affaires économiques de la Section de l’urbanisation et du développement à la CEA, Giuseppe Tesoriere, a déclaré que ce qui a poussé à mener l’enquête, c’était d’aller au-delà de la mesure traditionnelle du PIB pour se concentrer sur des mesures subjectives afin de tenter de comprendre comment les gens vivent et ce que le PIB ne prend pas en compte.
« La qualité de vie est liée aux besoins humains fondamentaux et pour avoir une qualité de vie, nous devons examiner les besoins humains fondamentaux et ceux-ci peuvent servir de base pour établir une nouvelle mesure », a insisté M. Tesoriere en commentant les résultats de l’enquête.
Il a ajouté que « la perception de la qualité de vie se résume au fait que le revenu n’a pas d’importance et que les priorités sont toujours les mêmes à travers les tranches de revenus, car la plupart des gens donnent la priorité et relient la perception de la qualité de vie à l’infrastructure de services et aux facteurs sociaux et environnementaux ».
La statisticienne à l’Onu-Habitat, Wandia Riunga, a déclaré que l’Onu-Habitat a développé l’Indice de qualité de vie qui mesure la qualité de vie dans plusieurs domaines aux niveaux national et mondial avec des indicateurs axés sur la gouvernance, la satisfaction du public, le logement, la santé mentale et la cohésion sociale.
« Près de la moitié des ODD sont à la traîne et l’Initiative QoL est destinée à aligner la qualité de vie sur les ODD en examinant le travail réalisé dans les villes », a affirmé madame Riunga, expliquant que l’Indice aidera les décideurs politiques à prendre des décisions et les villes à s’approprier les indicateurs locaux pour mieux servir les communautés.