Dans un communiqué de presse publié le 12 octobre 2022, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) s’inquiète de la multiplication des conditions météorologiques extrêmes et du stress hydrique, des conséquences du réchauffement de la planète. Ces situations pourraient compromettre la sécurité énergétique de nos pays, et mettre en péril les réserves d’énergies renouvelables. Pour éviter d’en arriver là, l’organisation préconise de doubler l’offre d’électricité provenant de sources d’énergies propres au cours des huit prochaines années.
Le rapport annuel 2022 de l’OMM sur l’état des services climatologiques, riche de contributions de 26 organismes, a pour thème : « l’énergie, un facteur décisif des accords internationaux sur le développement durable et les changements climatiques, et même de la santé de la planète ».
« Le secteur de l’énergie est responsable d’environ ¾ des émissions de gaz à effet de serre de la planète. Pour un XXIe siècle prospère, la condition est claire : nous devons faire la transition vers des formes de production d’énergies propres, telles que l’énergie solaire, éolienne ou hydroélectrique, et nous devons améliorer l’efficacité énergétique. Nous devons atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Ce but ne sera toutefois possible que si nous doublons l’offre d’électricité à faibles émissions au cours des huit prochaines années », a précisé Petteri Taalas, secrétaire général de l’OMM. L’accès à des informations et à des services météorologiques, hydrologiques et climatologiques fiables sera un facteur de plus en plus crucial pour renforcer la résilience des infrastructures énergétiques et répondre à la demande d’énergie qui a augmenté de 30 % ces dix dernières années.
Le rapport 2022 sur l’état des services climatologiques consacré à l’énergie est réjouissant à plus d’un égard. Il donne la pleine mesure des contributions que peuvent apporter les réseaux électriques verts pour endiguer le changement climatique, améliorer la qualité de l’air, préserver les ressources en eau, protéger l’environnement, créer des emplois et garantir un avenir meilleur à toute la planète.
Les pays africains ont une opportunité à saisir : en tirant parti d’un potentiel inexploité, ils pourraient devenir des acteurs majeurs sur le marché. L’Afrique abrite 60 % des meilleures ressources de la planète en matière d’ensoleillement. Pourtant, elle ne dispose que de 1 % de la capacité photovoltaïque. « Si nous voulons maintenir la sécurité énergétique tout en accélérant la transition vers la neutralité carbone, nous devons de toute urgence réagir aux incidences de plus en plus sensibles du changement climatique sur les systèmes énergétiques. Il nous faut planifier à long terme et prendre des mesures politiques audacieuses pour stimuler les investissements. Ces investissements devront s’appuyer sur des données météorologiques et climatologiques fiables et détaillées », a souligné Fatih Birol, directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie.
« Sans plus tarder, nous devons accélérer la transition vers un avenir fondé sur les énergies renouvelables. Si nous ne prenons pas immédiatement des mesures radicales, nous laisserons irrémédiablement passer notre chance de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C. La crise énergétique se conjugue avec la crise climatique pour révéler toutes les faiblesses d’un système économique largement dépendant des combustibles fossiles. Stimuler la transition vers les énergies renouvelables est un choix stratégique, qui permettra à toute l’humanité d’accéder à une énergie abordable, à un emploi, à la croissance économique et à un environnement résilient », a renchéri Francesco La Camera, directeur général de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA).
Il reste beaucoup à faire, mais les résultats sont à portée de main. Selon le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, une action climatique audacieuse pourrait se traduire par des bénéfices économiques se chiffrant à 26 000 milliards de dollars d’ici à 2030. Pourtant, les investissements dans les énergies renouvelables sont beaucoup trop faibles, surtout dans les pays en développement. De plus, on sous-estime l’utilité pour l’énergie des services climatologiques qui peuvent être décisifs pour l’adaptation aux changements climatiques comme pour la prise des décisions relatives à la réduction des gaz à effet de serre.
Les plans d’action pour le climat doivent se focaliser sur l’énergie
Seulement 40 % des plans d’action pour le climat soumis par les gouvernements à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) se focalisent sur l’adaptation dans le secteur de l’énergie, de sorte que les investissements sont faibles. La transition vers les énergies renouvelables contribuera à atténuer le stress hydrique mondial qui va croissant, car il faut beaucoup moins d’eau pour produire de l’électricité dans des installations solaires ou éoliennes que dans les centrales électriques plus traditionnelles, telles que les dispositifs utilisant des combustibles fossiles ou les centrales nucléaires.
Il manque 70 % de l’effort nécessaire pour garantir la réduction des émissions voulues d’ici à 2030. Les engagements en matière d’énergies renouvelables représentent moins de la moitié de l’effort requis. Selon les chiffres cités dans le rapport, l’objectif mondial à long terme fixé par l’Accord de Paris en matière de température exige l’installation de 7,1 TWh (mesure utilisée pour mesurer la production d’électricité dans une centrale) de capacité d’énergie propre d’ici à 2030. Le monde n’est donc pas près d’atteindre l’objectif de développement durable 7 (ODD 7), à savoir un accès universel à des services énergétiques fiables, durables, modernes et d’un coût abordable d’ici à 2030.
Les politiques et réglementations nécessaires pour assurer la décarbonisation du secteur de l’énergie restent particulièrement faibles en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie, selon la Banque mondiale. De plus, les actions climatiques que prévoient les pays signataires de l’Accord de Paris révèlent qu’ils n’ont guère conscience de la nécessité de fournir des services pour soutenir les énergies renouvelables.
Il faut tripler les investissements dans les énergies renouvelables avant 2050
Les chiffres cités dans le rapport révèlent que les investissements dans les énergies renouvelables doivent tripler d’ici à 2050 pour que le monde puisse atteindre la neutralité carbone. Entre 2019 et 2020, la plupart des investissements au titre des énergies renouvelables ont été consentis en Asie de l’Est et dans le Pacifique (essentiellement en Chine et au Japon), suivis par l’Europe occidentale et l’Amérique du Nord. Les pays en développement sont sous-représentés pour ce qui est de l’accès au financement des énergies propres. Les flux financiers publics internationaux destinés à des pays en développement en faveur des énergies propres et de la réalisation de l’ODD 7 ont diminué en 2019 pour la deuxième année consécutive, pour se retrouver à 10,9 milliards de dollars.
L’aide apportée en 2019 marquait une diminution du soutien de 23% par rapport aux 14,2 milliards de dollars accordés en 2018, de 25% par rapport à la moyenne accordés en 2010 et 2019 et de plus de 50% par rapport au pic de 24,7 milliards de dollars accordés en 2017.
L’Afrique pourrait devenir une source majeure d’énergies renouvelables
L’Afrique est déjà confrontée à de lourdes conséquences du changement climatique, telles que des sécheresses de grande ampleur, alors que c’est le continent qui a le moins contribué à générer le phénomène. La baisse des coûts des technologies propres offre de nouvelles perspectives à l’Afrique, qui voit s’ouvrir la possibilité de rattraper son retard sur le plan des énergies renouvelables. Pour permettre à l’Afrique d’atteindre ses objectifs énergétiques et climatiques, il faudrait plus que doubler les investissements dans le domaine de l’énergie au cours de cette décennie, de même qu’augmenter considérablement les contributions aux fins de l’adaptation. L’Afrique n’a bénéficié que de 2 % des investissements dans les énergies propres au cours des deux dernières décennies. Pour que tout le continent africain ait accès à des services énergétiques modernes, il faudrait un investissement annuel de 25 milliards de dollars, soit environ 1 % des investissements planétaires actuels dans le domaine de l’énergie.
Edem Dadzie