Sénégal : Le Conseil constitutionnel va-t-il arrêter l’hémorragie ou faire couler encore plus de sang ?

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Au Sénégal, les opposants ne baissent pas les bras. 39 députés de l’opposition ont déposé un recours en inconstitutionnalité devant le Conseil constitutionnel. Alors que l’on attend que le droit soit dit, les collaborateurs de Macky Sall essaient de semer de la confusion. 

Le ministre des Affaires étrangères, Ismaïla Madior Fall, qui est agrégé de droit public et de sciences politiques, professeur des universités, a estimé que le Conseil constitutionnel ne pouvait pas être saisi du texte de loi constitutionnelle voté le 5 février 2024 par la majorité à l’Assemblée nationale.

« Le Conseil constitutionnel est compétent au Sénégal pour connaître des lois ordinaires, des lois organiques, mais pas des lois constitutionnelles. Un juge constitutionnel ne contrôle pas les lois constitutionnelles. C’est une jurisprudence constante que le pouvoir constituant est souverain et qu’une loi constitutionnelle ne peut pas être contrôlée, a fortiori censurée par la juridiction constitutionnelle », affirme-t-il.

Un autre spécialiste sénégalais, Sidy Alpha Ndiaye, lui aussi agrégé de droit public et professeur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, a une lecture complètement différente de la compétence du Conseil constitutionnel.

« Il y a une jurisprudence du 18 janvier 2006 du Conseil constitutionnel sénégalais, qui dit qu’il est possible de contrôler une loi constitutionnelle si la loi constitutionnelle a été adoptée dans une période de crise (art.52 par exemple) ou si la loi constitutionnelle touche à une matière qui est considérée comme étant intangible, notamment la durée du mandat », explique-t-il.

« La vérité du droit est de dire que, puisque cette loi de révision porte sur une clause d’éternité, elle peut et elle doit faire l’objet d’un recours », estime ce second juriste.

« L’élection présidentielle au Sénégal ne peut être reportée que par le juge électoral suprême, le Conseil constitutionnel. Il n’appartient qu’au Conseil constitutionnel de reporter une élection pour quelques jours (art. 29 de la constitution, art.34 de la constitution du Sénégal.) Nul autre organe n’a cette prérogative », martèle Sidy Alpha Ndiaye.

Pendant ce temps, le sang coule. Des manifestations ont été dispersées par les forces de l’ordre, vendredi 9 février 2024, dans plusieurs villes. Au moins deux personnes sont décédées. L’on a par ailleurs recensé 221 arrestations vendredi sur tout le territoire.

Plusieurs associations de journalistes dénoncent de leur côté des violences ciblées des forces de l’ordre contre des consœurs et confrères venus sur le terrain couvrir les événements.

 l’Association des juristes sénégalaises prend aussi position. Dans un communiqué, elle parle d’un « tournant majeur et critique » pour le Sénégal et condamne une « répression violente et aveugle » des mobilisations.

« Comme dans toute affaire de droits, nous attendons les décision qui seront issues des recours. Il faut un respect du calendrier électoral et que nous puissions aller aux élections non pas en décembre mais à la date la plus proche possible », explique sa présidente, Aminata Fall Niang. Face à cette situation, le Conseil constitutionnel va-t-il mettre fin à la dérive, ou va-t-il aggraver la situation ?

Serge Lenoir

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