Sénégal-Mauritanie : La fuite de gaz inquiète les communautés

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Les organisations environnementales et les communautés vivant le long des côtes sénégalaises et mauritaniennes s’inquiètent du manque de transparence et des conséquences potentielles à long terme d’une fuite de gaz dans le cadre d’un projet GNL (Gaz naturel liquéfié) offshore commun.

Le 5 mars 2025, BP a admis qu’elle réparait une fuite de gaz dans le champ gazier Grand Tortue Ahmeyim (GTA), situé au large de la frontière maritime entre le Sénégal et la Mauritanie. La fuite de gaz a été signalée le 19 février 2025, deux mois seulement après le début de la production. Exploitée par BP, Kosmos Energy, PETROSEN et SMH, la fuite a été découverte au niveau du puits A02, BP confirmant la présence de bulles de gaz sous-marines à faible débit.

La compagnie a déclaré à l’AFP qu’elle avait mobilisée des équipements et du personnel spécialisés pour résoudre le problème et a affirmé que la fuite ne présentait aucun risque pour les employés et que son impact sur l’environnement était négligeable.

Ces assurances n’ont pas été vérifiées de manière indépendante, et des inquiétudes persistent quant au manque de transparence et aux conséquences potentielles à long terme.

Selon Dr Momar Samb, docteur en géologie sédimentaire (Sénégal), « Cet accident n’est pas surprenant. BP ne maîtrise pas totalement l’exploitation offshore en grande profondeur. Rappelons-nous des fuites qui ont conduit à l’explosion de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon, exploitée par BP dans le golfe du Mexique à seulement 1 500 mètres de profondeur au large de la Nouvelle-Orléans en 2010. Cette catastrophe a causé des décès, des blessures et une marée noire massive, entraînant un désastre écologique ».

Le gouvernement mauritanien a reconnu l’incident, déclarant qu’il travaillait en étroite collaboration avec les autorités sénégalaises dans le cadre d’une enquête approfondie visant à contenir la fuite et à évaluer son impact sur l’environnement.

Le gouvernement sénégalais n’a publié aucune communication officielle concernant la fuite de gaz, ce qui soulève des inquiétudes quant à l’accès du public à l’information et à la surveillance réglementaire.

Ce manque de transparence a alarmé les groupes de la société civile, notamment le groupe de réflexion LEGS-Africa, basé à Dakar, qui a souligné l’urgence d’informer le public sur les causes, l’ampleur et les conséquences de la fuite.

« Depuis plusieurs années, le think tank LEGS-Africa surveille les impacts environnementaux et sociaux du projet GTA dans la région de Saint-Louis. Face à cette fuite de gaz, nous avons mené des investigations et sollicité plusieurs parties prenantes nationales pour interpeller le Ministère des Hydrocarbures, PETROSEN et BP sur l’urgence et la nécessité d’informer le public sénégalais sur les causes de la fuite, son ampleur et ses conséquences environnementales sur les écosystèmes marins, les risques pour la sécurité des communautés et la santé publique, ainsi que sa contribution aux émissions de gaz à effet de serre et au changement climatique », écrit LEGS-Africa.

Au-delà des efforts immédiats de confinement, des questions essentielles restent sans réponse : alors que BP affirme que l’impact de la fuite est minime, l’incident a-t-il donné lieu à une évaluation indépendante de l’impact sur l’environnement ? La fuite pourrait-elle affecter les écosystèmes marins, en particulier dans une zone fortement dépendante de la pêche ?  Les fuites de méthane et de condensat sont connues pour contribuer au changement climatique et à la détérioration de la qualité de l’air; BP surveille-t-elle les émissions et en rend-elle compte de manière transparente ?

Par ailleurs, le champ gazier GTA devait transformer les économies du Sénégal et de la Mauritanie, en produisant 2,5 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié (GNL) par an. De tels incidents pourraient-ils saper la confiance du public dans les investissements dans les combustibles fossiles et créer des risques pour les moyens de subsistance locaux, en particulier pour les communautés de pêcheurs de la région ?

Quelles sont les obligations de BP, PETROSEN et Kosmos Energy en matière de notification des incidents environnementaux, et respectent-elles les meilleures pratiques en matière de transparence et de responsabilité ? En l’absence de communication officielle de la part des autorités sénégalaises, cet incident soulève des inquiétudes quant à la faiblesse de la surveillance et de la gestion des crises dans le secteur pétrolier et gazier.

Selon Awa Traoré, experte senior en climat et consultante internationale pour la transition énergétique juste, la pêche joue un rôle essentiel dans la sécurité alimentaire au Sénégal, fournissant historiquement jusqu’à 68% de l’apport énergétique d’origine animale aux ménages et assurant une consommation moyenne annuelle de produits halieutiques de 29 kg/habitant.

Les petits pélagiques, qui représentent 75% des produits de la pêche consommés au Sénégal, sont une source essentielle d’oméga-3, d’acides gras insaturés et de micronutriments, comme l’a souligné le rapport de l’Environmental justice foundation (EJF) publié en 2023.

L’experte ajoute que la coexistence des activités pétrolières et gazières avec la pêche présente des risques majeurs qui ne doivent pas être ignorés. La fuite de gaz du projet Grand Tortue Ahmeyim (GTA) est un signe d’alerte, exposant la fragilité et les dangers des opérations d’extraction des énergies fossiles.

Les communautés de pêcheurs sont aux aguets. « Depuis le 19 février 2025, nous avons observé une augmentation de la fumée et des flammes. Nous avons pris des photos et des vidéos que nous avons partagées avec des experts pour analyse. Nous n’avons pas encore toutes les preuves, mais nous savons que quelque chose se passe. Ces derniers temps, nous avons constaté une hausse des maladies et des décès dans cette zone, ce qui inquiète la population. Cette fuite pourrait-elle en être la cause ? Nous ne pouvons pas l’affirmer, mais une enquête approfondie est nécessaire », révèle Mamoussé Ndiaye, membre du Conseils locaux de pêche artisanale (CLPA) de Saint-Louis au Sénégal.

Edem Dadzie

 

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