Malgré les critiques sur leur efficacité réelle et la volatilité des cours, les compensations carbone se vendent pour des millions de dollars. Dans le cadre de la Semaine africaine du climat et du tout premier Sommet africain du climat, les dirigeants ne cachent pas leur appétit pour ces mécanismes.
En mal de liquidités, les pays africains veulent investir ce secteur en expansion, dont la valeur actuelle de 2 milliards de dollars devrait quintupler d’ici 2030. « La restauration et l’expansion des puits de carbone naturels de l’Afrique ne sont pas seulement un impératif environnemental. Il s’agit d’une mine d’or économique sans équivalent« , estime le président kenyan William Ruto.
L’Afrique produit actuellement seulement 11% des compensations carbones mondiales alors qu’elle abrite la deuxième plus grande surface de forêt tropicale au monde et de vastes écosystèmes absorbeurs de carbone (mangroves, tourbières…).
L’Initiative des marchés du carbone en Afrique, lancée lors de la COP 27 en novembre 2022 et soutenue par l’Onu, estime que 300 millions de crédits pourraient être générés chaque année sur le continent d’ici 2030, soit 19 fois plus qu’actuellement.
Un crédit carbone représente une tonne de dioxyde de carbone éliminée ou réduite dans l’atmosphère. Pour le Kenya, cela signifierait plus de 600.000 emplois et 600 millions de dollars (556 millions d’euros) de revenus annuels.
Mais ces projections supposent un prix du carbone bien supérieur à l’actuel et une augmentation massive des financements pour ce marché volatil et très peu régulé, qui suscite méfiance des investisseurs et critiques des défenseurs de l’environnement.
Avant le sommet de Nairobi, plus de 500 organisations de la société civile ont écrit au président Ruto pour l’exhorter à ne pas y intégrer les marchés du carbone et autres « fausses solutions menées par les intérêts occidentaux ». « Ces approches encourageront les pays riches et les grandes entreprises à continuer de polluer le monde, au grand détriment de l’Afrique », affirment-elles.
Pour Joseph Nganga, nommé par M. Ruto pour diriger le sommet, les marchés du carbone ne sont « pas une excuse pour les émissions mais un moyen de garantir la responsabilité » des plus riches qui les achètent. Autant dire donc que les marchés de carbone ont de beaux jours devants eux en Afrique.
Pour preuve, la Déclaration de Nairobi qui vient de sanctionner la fin du sommet, préconise une taxe carbone mondiale et une réforme des institutions financières internationales pour financer l’action climatique en Afrique. Les chefs d’État et de gouvernement africains s’engagent également à développer les énergies renouvelables, l’agriculture ou encore encourager les industries vertes
Edem Dadzie