Monsieur le Président William Ruto,
CC:
Chefs d’État et de gouvernement africains
Président de l’Union africaine
Président de la Commission de l’Union africaine
Nous sommes gravement préoccupés par la direction que prend le Sommet africain sur le climat.
Nous vous considérons comme le plus haut responsable africain en matière de changement climatique. En tant que président du Comité des chefs d’État et de gouvernement africains sur le changement climatique (CAHOSCC), vous êtes le pivot autour duquel gravitent les intérêts et la position de l’Afrique sur les questions climatiques, tels que définis par les ministres africains (AMCEN) et les fonctionnaires (AGN).
Le sommet est une formidable occasion de tracer une nouvelle voie pour le continent qui crée une vision de leadership pour un avenir plus propre, plus sûr et plus prospère qui protège nos populations, nos systèmes alimentaires, nos ressources en eau et notre biodiversité.
Cette vision doit stimuler nos efforts collectifs pour construire nos systèmes d’énergie renouvelable et nos infrastructures d’électrification à une échelle qui profite à des millions d’Africains tout en inspirant d’autres pays à faire des interventions qui empêchent l’aggravation du réchauffement de la planète.
Plutôt que de promouvoir les intérêts et la position de l’Afrique sur les questions climatiques cruciales, le sommet a été saisi par des gouvernements occidentaux, des sociétés de conseil et des organisations philanthropiques déterminés à promouvoir un agenda et des intérêts pro-occidentaux aux dépens de l’Afrique.
Plus inquiétant encore, l’ordre du jour du sommet a été indûment influencé par la société de conseil McKinsey and Company, basée aux États-Unis. L’initiative des fonctionnaires et des ministres africains a été reléguée au second plan.
Ces développements sont très inquiétants.
La note conceptuelle du sommet, telle que proposée par McKinsey and Company, reflète les intérêts des États-Unis, de McKinsey et des entreprises occidentales qu’ils représentent. Pendant ce temps, les priorités déclarées de l’Afrique sont manifestement absentes.
En outre, le “comité des groupes de réflexion” mis en place pour conduire les négociations lors du sommet est présidé par des personnes qui représentent des organisations basées au Royaume-Uni et aux États-Unis, et non des organisations africaines.
Le contenu du sommet – y compris les initiatives majeures – est dirigé par McKinsey, l’Institut des ressources mondiales étant désormais en concurrence pour façonner l’ordre du jour et ses résultats. Tous deux ont leur siège aux États-Unis et ne défendent pas les intérêts de l’Afrique.
Certaines organisations africaines qui défendent l’agenda occidental se sont également vu attribuer un rôle disproportionné dans l’organisation de l’événement.
Il en résulte un ordre du jour du sommet qui met en avant la position et les intérêts de l’Occident, à savoir les marchés du carbone, la séquestration du carbone et les approches “positives pour le climat”. Ces concepts et ces fausses solutions sont guidés par des intérêts occidentaux tout en étant présentés comme des priorités africaines. En réalité, ces approches encouragent les nations riches et les grandes entreprises à continuer à polluer le monde, au détriment de l’Afrique.
Les professionnels et les dirigeants africains sont conscients de la mainmise des non-africains sur ce sommet et certains menacent déjà de ne pas y participer. Cette tendance s’accentue au fur et à mesure que se répand l’idée qu’il ne s’agit pas d’une conférence africaine. Le risque est de voir l’événement s’effondrer à la dernière minute.
Mais tout n’est pas perdu, Monsieur le Président. Il est encore possible de remédier à la situation. Nous appelons donc à une réorienter, de manière urgente, le sommet, de manière à ce que les intérêts de l’Afrique passent en premier.
En tant que chef d’État africain qui défend les intérêts du continent dans le discours sur le climat, vous avez acquis une reconnaissance internationale pour avoir défendu des idées transformatrices et avoir été ferme dans cette cause. De même, le sommet de Nairobi doit prendre en considération un grand nombre d’idées et de propositions émanant de l’Afrique.
Afin de remettre la réunion sur les rails et de faire avancer un agenda de, par et pour les Africains, nous vous appelons à:
-
Retirer le contrôle et l’influence de Mckinsey dans l’organisation de ce sommet. En échange, un groupe d’experts dirigé par des Africains doit être créé pour aider à remodeler l’ordre du jour du sommet.
-
Veiller à ce que la réunion fasse progresser les intérêts et les priorités de l’Afrique, tels qu’ils sont défendus par les gouvernements africains et la société civile dans le cadre de la CCNUCC.
-
Adopter une approche intégrée des questions relatives au climat, à l’énergie et au développement de l’Afrique. Sans une telle approche intégrée menée par l’Afrique, des concepts tels que la “croissance verte” ne feront que renforcer le “néocolonialisme”.
-
Mettre l’accent sur les énergies renouvelables pour contrer les efforts déployés par l’industrie des combustibles fossiles, les intérêts occidentaux et les pays africains producteurs de combustibles fossiles pour détourner la transition énergétique juste de l’Afrique.
-
Éviter toutes les fausses solutions telles que les marchés du carbone et la géo-ingénierie, qui sont conçues pour encourager les pays et les populations riches à continuer à polluer et à transformer l’Afrique en un dépotoir et un champ d’expérimentation technologique.
-
Mettre en œuvre et adopter des politiques climatiques qui favorisent une élimination progressive, juste et équitable de tous les nouveaux projets pétroliers, gaziers et charbonniers sur le continent africain, conformément aux intérêts de l’Afrique en matière de développement et aux recommandations du GIEC, de l’AIE et d’autres organisations scientifiques, en réduisant les financements publics et privés.
-
Rechercher un dialogue transparent et constructif entre les citoyens et les décideurs politiques de l’ensemble du continent afin d’élaborer un récit et un programme africains communs pour relever les défis interdépendants du climat, de l’énergie et du développement
-
Promouvoir des voies qui fournissent un financement climatique suffisant et consensuel pour réaliser cet engagement.