Station d’épuration de Dakar : Valoriser les sous-produits de l’assainissement

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Au cœur de la ville de Dakar, à l’endroit le plus bas, se localise la station de traitement des eaux usées issues des ménages. La mise en place de cette infrastructure empêche ces eaux de se retrouver dans la nature, ce qui polluerait l’environnement et représenterait de gros risques pour la santé humaine. Les plus de 3 millions d’habitants de la capitale sénégalaise utilisent quotidiennement des quantités importantes d’eaux.

Le traitement des eaux usées est une technique innovante qui peut aider à gérer les multiples problèmes auxquels doivent faire face les pays en matière de gestion des ressources en eau. Selon le Dr Aïda Diongue-Niang, auteure principale du Groupe intergouvernemental des experts sur l’évolution du climat (Giec), au niveau mondial, on dispose de 1 380 000 000 km3 de ressources en eau. Malheureusement, moins de 2% (1,8%) représente l’eau douce.

En dehors des pénuries physiques (insuffisance de la ressource en eau) auxquelles doivent faire face les pays, il y a aussi les pénuries économiques (manque de moyens financiers suffisants pour mobiliser assez d’eau en faveur des populations) qui les frappent. « La réutilisation de l’eau, et la collaboration entre les différentes politiques (eau, environnement, agriculture etc…), est une solution », pense Dr Boubakar Barry, conseiller scientifique au sein du secrétariat exécutif du 9e Forum mondial de l’eau tenu à Dakar en 2022.

On ne peut pas encore dire que la ville de Dakar est à la pointe de la technologie, mais, c’est l’une des rares villes africaines qui a compris que les eaux usées peuvent encore servir pour un certain nombre d’usages. Même si pour le moment ces eaux usées ne retournent pas vers les verres d’eaux, le traitement qui est fait permet d’éviter les problèmes environnementaux, et sert pour certaines activités comme le maraîchage.

 

A Dakar, le traitement des eaux usées se fait selon les normes

Dans la station d’épuration de Dakar, on ne traite que les eaux usées domestiques. Il y a un grand projet qui est en cours à travers lequel l’on va récupérer l’ensemble des eaux usées des industries qui seront amené dans une autre station et qui seront traitées selon les normes requises. « Ce que vous voyez ici s’appelle une fosse Abattar. L’ensemble des eaux usées qui arrivent à la station vont être dirigées vers la fosse Abattar. Il y aura ensuite un grapin qui va récupérer tout ce qui est déchet solide. En effet, beaucoup de déchets solides parviennent à la station. Il faudrait donc les piéger ici et les récupérer.  Cette partie de l’usine est une extension qui va permettre de traiter 92 000 m3 d’eaux usées par jour. Lorsqu’on a construit l’ancienne usine, on tournait autour de 22 000 à 23 000 m3 d’eaux usées par jour. Actuellement nous sommes presque à 46 000 m3 d’eaux usées par jour », nous a confié Ibrahima Mendès, chef section assainissement industriel, lors d’une visite guidée.

« Il fallait donc faire une extension tout en tenant compte du débit d’eau qui viendra après. Parce qu’à la fin de l’extension, on va certainement accélérer les branchements au niveau des ménages. Cela va nous amener beaucoup d’eaux. Non seulement l’usine augmente en capacité, mais aussi, on essaie de gérer d’autres aspects ; notamment les nuisances olfactives (les odeurs). Cette usine sera entièrement couverte, surtout les parties qui vont dégager des odeurs, et il y aura des unités de traitement », affirme Ibrahima Mendès.

À la suite de la fosse Abattar il y a ce qu’on appelle les vis d’Archimède. L’on distingue 9 sur le site, et chaque vis d’Archimède a été complètement isolé. Cela permet de ne plus arrêter l’ensemble de l’usine lorsque l’on veut intervenir sur une vis d’Archimède. Désormais, l’usine peut fonctionner 24h/24. Il est possible faire des travaux de maintenance sans être gêné par cet aspect. Comment se fait alors la récupération des eaux usées auprès des ménages ? « Le point où nous nous trouvons n’est pas anodin. C’est le point 0 de Dakar, le point le plus bas. Nous récupérons certaines eaux usées des ménages par pompage, parce que ce sont des points bas. Mais tout le reste se fait à travers des conduites qui arrivent jusqu’à l’usine et est tamisé avant traitement afin d’extraire les déchets solides », répond Ibrahima Mendès.

L’on traite aussi les eaux de pluies. Mais, celles-ci n’entrent pas dans le système. On les fait passer par une autre conduite pour les déverser dans la mer. Parce que c’est une eau qui n’est pas chargée. Or, à la station, l’on fait un traitement biologique, ce qui veut que l’on ait besoin de nutriments pour les bactéries. Et cela provient essentiellement des eaux domestiques. L’eau de pluie est diluée, si on la laisse rentrer dans le système, cela va diluer le bassin biologique.

 

Prendre en charge plus de 80% de la consommation en énergie

Les responsables de l’usine veulent gérer le problème de l’énergie. En effet, traiter 92 000 m3 d’eaux usées par jour va augmenter les besoins en énergies. Déjà avec l’ancienne usine, la consommation tournait autour de 600 millions de FCFA par an. Avec l’extension, cela pourrait atteindre 800 à 900 millions de FCFA de consommation d’énergie. Pour supporter le coût énergétique, il est prévu de faire de la méthanisation. « A partir de cette station d’épuration, nous allons produire notre propre biogaz qui va servir pour la production d’électricité nécessaire pour faire fonctionner l’usine. Avec cette technique, la station pourrait prendre en charge plus de 70% de sa consommation en énergie ; des groupes électrogènes ont été posés et vont pouvoir aider à prendre en charge la totalité des besoins en énergies. L’inquiétude qu’il y a actuellement est qu’il faudra produire assez de biogaz », a-t-il ajouté.

 

Que deviennent les eaux usées traités au sein de l’usine ?

« Nous avons mis en place un programme de valorisation des sous-produits. Cela consiste à donner de la valeur aux eaux usées après traitement, c’est-à-dire réutiliser les eaux et les autres sous-produits de l’assainissement, notamment les boues stabilisées. Depuis 2010, nous avons mis en place ce système. 5 700 m3 d’eaux usées traitées qui répondent aux normes de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS) sont données aux maraichers. Il y a environ 180 périmètres de maraîchage dans la zone », fait savoir Pape Mbagnick Thiam, responsable du sous-projet valorisation à l’usine d’épuration des eaux usées ménagers de Dakar.

Tous les maraîchers qui sont dans la zone sont alimentés à partir des eaux traitées par la station. Cela va les aider à poursuivre leurs activités parce que les lacs qui sont dans la zone sont des lacs salés. Ils ne peuvent donc pas l’utiliser pour arroser leurs cultures. Ce qui arrive généralement, c’est qu’ils abandonnent leurs terres ou les utilisent pour d’autres usages comme les ateliers de mécanique. La station d’épuration leur vend donc de l’eau traitée. Le m3 est à 50 FCFA pour le maraîchage. Certaines entreprises viennent l’acheter pour l’arrosage des espaces verts et d’autres qui sont dans les bâtiments et travaux publics, pour la construction. A elles, l’on le vend à 200 FCFA le m3.

« Actuellement l’offre est supérieure à la demande. C’est la raison pour laquelle le reste est jeté à la mer. Si vous recevez 36 000 m3 d’eau chaque jour et que vous n’arrivez pas à tout écouler, vous risquez à un moment donné d’être inondé. L’eau qui est jetée à la mer a été traitée à l’avance. On a enlevé une bonne partie de la pollution. De plus, cette eau contient les aliments que nous consommons à la maison. Et puis nous jetons l’eau à 1 km 300 m. Il n’y a donc pas de danger pour les écosystèmes aquatiques », explique monsieur Mendès.

Edem Dadzie, de retour de Dakar

Article rédigé dans le cadre des activités du Réseau des journalistes africains spécialisés sur le développement durable et le changement climatique, créé par Africa 21

Un commentaire sur « Station d’épuration de Dakar : Valoriser les sous-produits de l’assainissement »

  1. Cette eau traitée peut servir également au reboisement dans les villes et les villages. Et donc de planter des arbres en tout au long de l’année avec des systèmes d’irrigation aux gouttes à gouttes. En sommes, l’eau traitée peut servir à adresser la problématique de l’eau pour les projets intégrés d’agro-sylvo-pastoraux. Bravo au Sénégal pour cette valorisation des eaux usées . Il y a aussi le traitement biologique des eaux usées à travers certaines plantes qui donnent aussi de très bons résultats et qui peuvent être implémentées dans les différentes localités. J’ai visité de telles installations à Aix en Provence en France et c’est merveilleux.
    Je suis le Coordonnateur du Projet de reboisement en milieu dénommé “Projet Une École , 5 ha de Forêt ” en Côte d’Ivoire . A ce titre, j’ai participé aux différentes Cop sur les Changements climatiques depuis la Cop 21 à Paris jusqu’à la Cop 25 à Madrid et cette année à la cop 15 sur la désertification à Abidjan. Sans oublier les rencontres de l’ECREE / CEDEAO (à Dakar, Niamey, Ouagadougou, Cotonou, Abidjan etc.).
    La problématique de l’eau de la disponibilité des ressources en eau comme facteurs limitant à souvent été évoqué. Des solutions existent. Merci bien chers tous

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