À l’heure où l’on construit des panneaux solaires et des parcs éoliens, la théorie veut que le gaz naturel puisse remplacer les combustibles plus « sales », comme le charbon et, dans certains cas, le pétrole. Certains pays veulent en faire une énergie transitoire vers l’adoption totale des énergies propres. Mais les recherches indiquent que les émissions de méthane, le principal constituant du gaz naturel, qui apparait pendant son extraction et son transport, signifient que le gaz naturel n’est pas aussi respectueux du climat qu’on le pensait.
D’ici à 2030, le monde devra réduire ses émissions de gaz à effet de serre de plus de 40 % pour atteindre les objectifs les plus ambitieux de l’Accord de Paris, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), un organisme des Nations unies. Le gaz naturel devrait jouer selon certains, un rôle important dans la réduction des émissions et la transition vers un avenir fondé sur les énergies renouvelables.
Le gaz naturel est un combustible plus propre dans le sens où sa combustion produit moins de polluants atmosphériques classiques, comme le dioxyde de soufre et les particules, que la combustion du charbon ou du pétrole. La quantité dépend des caractéristiques du combustible, de la technologie de combustion, de la qualité de l’entretien et de l’utilisation des équipements, ainsi que d’autres facteurs. En général, la combustion du gaz naturel produit également moins de dioxyde de carbone par unité d’énergie, environ la moitié par rapport à la meilleure technologie du charbon, et, de ce point de vue, elle est meilleure du point de vue climatique.
De récentes campagnes de mesures scientifiques, dont certaines soutenues par le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue), ont montré que les émissions de méthane provenant des opérations pétrolières et gazières sont beaucoup plus élevées que ce qui était estimé auparavant.
Le méthane est un puissant gaz à effet de serre, environ 84 fois plus puissant que le dioxyde de carbone mesuré sur une période de 20 ans, de sorte que toute émission sape ses références en tant que meilleur combustible fossile. Ainsi, « plus propre » n’est probablement pas le meilleur mot pour décrire le gaz naturel. Mais à condition que les émissions de méthane soient bien gérées, il n’est pas aussi problématique en termes de réchauffement planétaire que le charbon ou le pétrole.
Est-il irréaliste d’attendre des entreprises de combustibles fossiles qu’elles contrôlent les fuites de méthane ?
« Il n’est pas réaliste de s’attendre à ce que toutes les entreprises de combustibles fossiles exercent un auto-contrôle. Les réglementations plafonnant les niveaux d’émissions et leurs applications sont certainement cruciales. Mais de nombreuses entreprises sont prêtes à agir même sans pression réglementaire. Nous travaillons avec de nombreuses entreprises qui se sont engagées à fixer des objectifs de réduction du méthane pour 2025, à mesurer leurs émissions de méthane, à prendre des mesures pour les réduire et à rendre compte des résultats. Les technologies de détection s’améliorent, et le Pnue travaille parallèlement avec des partenaires pour fournir des informations ouvertes et transparentes sur les émissions. Les fuites de méthane sont coûteuses, les entreprises ont donc intérêt à les réduire d’un point de vue économique », affirme Mark Radka, chef du service Énergie et climat du Pnue.
La réponse franche que l’on doit donner est qu’il existe un manque de données de mesure vérifiées empiriquement dans toute l’industrie du gaz naturel, et c’est exactement la raison pour laquelle le Pnue a lancé l’Observatoire international des émissions de méthane (IMEO). La plupart des données sur le méthane sont basées sur des estimations de facteurs d’émission, plutôt que sur des mesures réelles. L’objectif du Pnue avec l’IMEO est de fournir des réponses factuelles à ce genre de questions. Une transition longue ou lente pour se défaire des autres combustibles fossiles et qui nécessite beaucoup d’investissements dans les infrastructures gazières serait une mauvaise passerelle.
Dans de nombreux pays, le gaz naturel a déjà remplacé le charbon comme combustible de choix pour la production d’électricité, avec des avantages pour le climat et la qualité de l’air. La baisse rapide du coût des technologies solaires, éoliennes et autres énergies renouvelables fait de ces dernières une alternative encore meilleure que le gaz dans un nombre croissant de lieux.
Le gaz joue un rôle particulier dans la transition énergétique en tant que solution de secours pour un système de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables, car les chaudières à gaz peuvent être allumées presque instantanément, alors que le démarrage d’une centrale électrique au charbon prend beaucoup plus de temps. Les technologies de stockage de l’énergie font l’objet de nombreuses recherches et d’un déploiement important, de sorte que ce rôle du gaz est appelé à diminuer.
Il est important de se rappeler qu’avec les technologies actuelles, toutes les sources d’énergie ne sont pas interchangeables. L’aviation et la navigation, par exemple, dépendent encore principalement des combustibles fossiles, tout comme certains secteurs industriels dits « difficiles à éliminer », comme la fonte du fer. De nombreux travaux de recherche et de développement sont en cours et il en faut encore beaucoup dans des domaines comme le stockage, mais nous n’en sommes pas encore au stade où tous les combustibles fossiles peuvent être remplacés par des énergies renouvelables.
Le monde s’électrifie de plus en plus, et l’énergie éolienne et solaire seront de plus en plus importantes, en particulier dans les endroits où les ressources d’énergies renouvelables, soleil et vent, sont abondantes. Il est important de garder à l’esprit que nous n’en sommes qu’aux premiers stades d’une transition énergétique qui ne ressemble à aucune autre que le monde ait jamais tentée en termes de vitesse et de complexité. Il s’agit toutefois d’une transition, et toute transition demande du temps et de la persévérance. Cela dit, nous devons agir rapidement.
Chaque pays et chaque personne doit réfléchir de manière plus critique à l’efficacité énergétique. Nous ne valorisons jamais l’énergie pour elle-même, mais plutôt les nombreux services que l’énergie rend possibles. Il s’agit notamment de communication, d’éclairage et de confort thermique, de mobilité, de force motrice, etc. Si nous pouvons obtenir ces services en consommant moins d’énergie, nous nous en porterons mieux et la planète aussi. La plupart des pays ont un potentiel solaire ou éolien, voire les deux.
D’autres alternatives déjà en jeu sont l’hydroélectricité, grande ou petite, la géothermie, comme au Kenya et en Islande, la biomasse durable et peut-être, à l’avenir, les usines de production d’énergie par les courants marins ou les marées, qui existent toutes deux à l’état de projet pilote, mais s’accompagnent d’autres problèmes environnementaux.
Edem Dadzie