Le professeur et climatologue Jean-Pascal van Ypersele, vice-président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) entre 2008 et 2015, et candidat à la présidence de l’institution était à Lomé au Togo du 19 au 20 mai 2023. Il a animé une conférence digne d’intérêt au West african science service centre on climate change and adapted land use (Wascal) de l’université de Lomé.
Il y a des vérités essentielles sur les changements climatiques qui ne doivent plus échapper à personne. Cette crise est réelle, les Hommes en sont en grande partie responsables et sont concernés, les experts sont d’accord sur son effectivité. “Cela fait mal, mais il y a de l’espoir”, a estimé le conférencier. Mais, si ce phénomène continue de prendre de l’ampleur, c’est parce que l’on utilise l’atmosphère comme une poubelle, et cela contribue à l’épaississement de la couverture isolante qui est autour de la terre. Il s’agit d’une couche d’isolants thermiques qui augmente la température du globe.
Aujourd’hui, l’humanité est proche de la température d’1,2°C. Le Togo à l’instar des autres pays de la planète enregistre une évolution exponentielle de sa température. Entre 1901 et 2021, l’on a connu une accélération. “L’on assiste à une sorte de dopage du système climatique” selon le professeur van Ypersele. Pour éviter de continuer à risquer de dépasser les 1,5°C, il faut impérativement empêcher que la concentration continue d’augmenter. L’on doit faire de la fameuse neutralité carbone une réalité.
L’évolution actuelle des températures est à la base de conséquences catastrophiques tant pour les écosystèmes que pour les humains. Selon le groupe 2 du Giec l’Afrique en particulier sera très touché. Il faut s’attendre à l’augmentation soit de la fréquence soit de l’intensité d’un certain nombre d’évènements extrêmes (vagues de chaleur, sécheresses, inondations etc…); des millions de personnes risquent d’être exposés au manque d’eau, à la famine etc… Ce sont des phénomènes qui sont déjà en cours.
Le changement climatique regorge aussi des opportunités, notamment avec le développement des énergies renouvelables (solaire, éolienne). Celles-ci permettront de réduire des milliards de tonnes de Gaz à effet de serre (GES). Ces énergies sont devenues plus compétitives en termes de coûts par rapport aux énergies fossiles. Des possibilités existent aussi dans le domaine de la gestion des forêts. En tout cas, le Giec est clair : Si l’on n’arrive pas à maintenir le réchauffement à 1,5°C, l’adaptation risque d’être difficile dans certaines zones du monde, et l’Afrique en fait partie.
Pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, l’atténuation et l’adaptation doivent aller de paire; mais la finance climatique est incontournable. Malheureusement, dans tous les domaines, il y a un écart flagrant entre les besoins et les financements disponibles, surtout dans les pays en développement. “Je peux vous garantir que lors de cette conférence, le professeur a eu de bons retours, notamment sur la question du genre, des jeunes, la proposition forte d’un bureau Afrique du Giec”, a déclaré Séna Alouka, directeur international de l’ONG Jeunes volontaires pour l’environnement (JVE).
Le candidat de l’inclusivité, de la diversité linguistique, du genre et de l’efficacité des travaux du Giec ?
Le professeur van Ypersele qui a participé à presque toutes les CoP de l’histoire du changement climatique veut mettre son expérience de plusieurs décennies au service de la communauté internationale. “Le premier axe de ma campagne est que le Giec soit la voix du climat pour agir suffisamment dans le domaine de l’atténuation afin que l’adaptation ne devienne pas impossible un jour. Le deuxième axe est que les décideurs politiques, économiques, les citoyens du monde reçoivent du Giec des informations utiles, les plus pertinentes pour faire évoluer les choses dans la bonne direction”, a-t-il indiqué.
“Le troisième axe est de réaliser les point 1 et 2 de la manière la plus inclusive possible. Pour mois, l’inclusivité signifie une meilleure participation des scientifiques des pays en développement aux travaux du Giec, de manière à ce que le Giec soit représentatif des préoccupations qui existent dans le monde entier, notamment dans les pays les plus vulnérables, y compris ceux qui ont le moins émis des GES. Le deuxième point de l’inclusivité est d’améliorer la participation des femmes aux travaux du Giec”, a-t-il poursuivi.
“Le troisième point est d’être sûr que l’on a suffisamment de jeunes qui participent aux travaux du Giec, parce que les jeunes ont de nouvelles connaissances, de nouvelles méthodes, un dynamisme qu’il est très important de capter au service du Giec. Le dernier point est que je suis francophone, le français est ma langue maternelle. Je serai le premier président francophone du Giec. Le français aura une importance renouvelée au Giec. D’ailleurs, je pense que toutes les langues des Nations unies, et les langues dans lesquelles la science est produite aujourd’hui, devraient être mieux respectées au sein du Giec, mieux prises en compte”, a ajouté le professeur van Ypersele.
L’agenda 2030 des Nations unies (le fait de faire cohabiter les différents objectifs), la justice climatique, la transition juste, sont également au cœur des préoccupations du professeur Jean-Pascal van Ypersele, candidat au poste de président du Giec. Le Giec a été créé en 1988 sous l’égide de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue). Le Giec est chargé d’évaluer l’ampleur, les causes et les conséquences du changement climatique. Il regroupe 195 États.
Edem Dadzie