Le lundi 12 mai dernier, la première conférence de l’Union africaine sur la dette s’est ouverte à Lomé au Togo. Claver Gatete, secrétaire général adjoint des Nations unies, et secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), était parmi les personnalités présentes. Que retenir de son intervention ?
Sur tout le continent, l’accès aux financements concessionnels se réduit, tandis que l’escalade des tarifs douaniers affaiblit l’accès au marché des produits africains. Pour nombre de pays, cela se traduit par des coûts d’emprunt plus élevés, une baisse des recettes d’exportation et des budgets plus serrés, à un moment où l’expansion budgétaire est essentielle à une croissance inclusive.
En effet, l’Afrique n’est pas seulement confrontée à une crise de la dette; elle est confrontée à une crise du développement, une crise dans laquelle le service de la dette entre en concurrence directe avec la santé, l’éducation, les infrastructures et le droit fondamental au développement. La question qui se pose selon Claver Gatete est : « De quel type de solution avons-nous besoin et dans quel délai pouvons-nous la mettre en œuvre ? ».
Premièrement , l’on doit repenser la dette comme un outil de développement et non de destruction. Il faut garder à l’esprit que la dette n’est pas intrinsèquement mauvaise ; ce qui compte, c’est à quoi elle sert. À cet égard, la CEA défend une approche de développement, dans laquelle les emprunts sont liés à des investissements productifs dans l’énergie, les infrastructures, l’industrie et les services connexes.
“En termes simples, nous devons cesser d’emprunter pour consommer et plutôt emprunter pour transformer”, recommande Claver Gatete. Deuxièmement, il recommande d’approfondir la transparence et renforcer la gestion de la dette. L’Afrique a besoin de stratégies globales, propres à chaque pays, qui prennent en compte tous les passifs, y compris ceux des entreprises publiques.
La transparence doit évoluer vers une culture de responsabilité, instaurant un climat de confiance avec les citoyens et les investisseurs. La CEA travaille en étroite collaboration avec les gouvernements africains pour fournir un soutien technique, des analyses de la dette et des outils numériques de gestion de la dette pour soutenir cette démarche.
Troisièmement, monsieur Gatete rappelle qu’il faut réformer de toute urgence l’architecture financière mondiale. Malheureusement, le système actuel n’est plus adapté à ces objectifs. Le Cadre commun du G20 doit être transformé pour devenir prévisible, inclusif et équitable.
Elle doit également accueillir les pays à revenu intermédiaire, inviter les créanciers privés à la table des négociations dès le début et être guidée par les neuf principes fondamentaux de l’Onu; de la durabilité à l’immunité souveraine.
« Dans cet esprit, nous devons accélérer la création de l’Agence africaine de notation de crédit, une institution qui comprenne les réalités de l’Afrique, reflète son potentiel et rétablit l’équité dans la perception mondiale du risque africain”, affirme Claver Gatete.
Son objectif n’est pas de remplacer les agences de notation existantes, mais de les compléter par une plus grande transparence. Quatrièmement, il est impératif de développer la finance innovante et verte. L’Afrique doit montrer l’exemple en déployant des instruments tels que les obligations vertes, les obligations bleues et la dette liée à la durabilité pour débloquer des capitaux alignés sur le climat.
De plus, les échanges de dette contre le climat et de dette contre la nature offrent des moyens d’alléger la pression budgétaire, tout en investissant pour la planète. Des pays comme le Cap-Vert, le Gabon, les Seychelles et le Maroc montrent déjà la voie, et la CEA reste déterminée à fournir le soutien technique nécessaire, à renforcer les capacités et à promouvoir des initiatives telles que la Coalition pour une dette durable.
Cinquièmement, aucune solution n’est complète sans un renforcement de la mobilisation des ressources nationales. « Cela signifie élargir et numériser notre assiette fiscale, combler les fuites, exploiter la technologie et lutter contre les flux financiers illicites qui coûtent à l’Afrique plus de 88 milliards de dollars chaque année”, martèle Claver Gatete.
Cela nécessite également le développement de marchés de capitaux robustes et inclusifs, capables de canaliser l’épargne intérieure vers des investissements productifs, de fournir un financement à long terme au secteur privé et de réduire la dépendance à l’égard de la dette extérieure.
“N’oublions pas la ZLECA, qui constitue la réponse structurelle la plus puissante de l’Afrique. En créant un marché africain unique de 1,5 milliard de personnes, il peut stimuler les chaînes de valeur régionales, l’industrialisation, la création d’emplois et la mobilisation des recettes; réduisant ainsi la dépendance à l’égard des emprunts extérieurs et renforçant la résilience budgétaire”, a ajouté le secrétaire exécutif de la CEA.
E. Dadzie