En Afrique subsaharienne, le parcours qui mène du champ à l’assiette est semé d’embûches, car les chaînes d’approvisionnement alimentaire sont longues, fragmentées et inefficaces. Elles sont également très exposées à des conditions météorologiques extrêmes, et se procurer de quoi manger est un défi quotidien pour des millions de personnes.
Bien que la production alimentaire en Afrique ait augmenté de 160% au cours des trente dernières années, la population souffrant d’insécurité alimentaire n’a cessé de croître, notamment de 60% rien qu’au cours de la dernière décennie. Actuellement, 58 % des Africains sont en situation d’insécurité alimentaire, soit le double de la moyenne mondiale.
Les facteurs de l’insécurité alimentaire sont complexes et comprennent, entre autres, les conditions météorologiques extrêmes et les conflits. Cependant, un aspect souvent négligé de la question est beaucoup plus simple : il s’agit du transport.
Les mauvaises liaisons de transport, les défaillances des ports comme des postes-frontières essentiels et les coûts commerciaux élevés engendrent des foyers de faim et d’interminables chaînes d’approvisionnement alimentaire qui ne parviennent pas à acheminer de manière fiable les denrées de base jusqu’aux consommateurs.
En moyenne, dans les pays africains, les denrées sont transportées sur une distance de 4 000 kilomètres et mettent 23 jours à arriver à destination, soit quatre fois plus longtemps qu’en Europe ! Sur des chaînes d’approvisionnement aussi longues, les points de défaillance potentiels se comptent par dizaines, et augmentent les risques de gaspillage des produits avant même qu’ils n’atteignent les consommateurs.
Ports engorgés, chemins ruraux impraticables ou procédures frontalières fastidieuses : en raison de ces « maillons faibles », les aliments sont livrés en retard ou déjà abîmés, parfois ils n’arrivent jamais à destination… Au total en Afrique, 37% des denrées périssables sont perdues en cours de route, bien avant leur arrivée sur la table du consommateur.
L’imprévisibilité de la chaîne d’approvisionnement a des conséquences majeures sur les prix de la nourriture. L’inefficacité des transports renchérit de 30% le coût final des marchandises, ce qui signifie que les denrées deviennent inabordables pour des millions de familles aux revenus faibles.
Cette situation conduit souvent à un paradoxe désolant : alors que la nourriture est disponible dans certaines régions, le coût de son acheminement d’un endroit à l’autre est si élevé que de nombreuses personnes ne peuvent pas se l’offrir.
Dans un rapport intitulé : Les transports au service de la sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne : renforcer les chaînes d’approvisionnement, la Banque mondiale propose de mener plusieurs actions prioritaires pour réduire les coûts de transport et améliorer la sécurité alimentaire sur le continent.
Selon elle, en appliquant les recommandations ci-dessous, les foyers de faim en Afrique pourraient devenir des endroits où la nourriture est plus abondante et plus facilement distribuée :
Investir dans des infrastructures de pointe : équiper les ports prioritaires d’infrastructures modernes pour la manutention de produits alimentaires en vrac, en particulier ceux qui approvisionnent des zones intérieures isolées.
Éliminer les obstacles au commerce : lever les barrières et améliorer les pratiques de gestion des frontières afin de réduire les retards et les coûts de passage d’un pays à l’autre.
Renforcer la résilience : donner la priorité à la résilience et à la redondance des liaisons critiques qui facilitent les flux alimentaires pour de vastes populations.
Développer le stockage et la distribution : investir dans des infrastructures et des services de stockage et de distribution robustes afin de minimiser les pertes et le gaspillage alimentaires.
Stimuler la concurrence : renforcer la concurrence dans le secteur des transports afin d’améliorer l’efficacité et de réduire les coûts.
Élargir l’accès aux marchés : faciliter l’accès à des infrastructures et à des marchés résilients afin que les denrées alimentaires parviennent à ceux qui en ont besoin.
La rédaction